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bang


Five Dollar Priest
Eyes Injected With Love - LP
Bang! 2014

Vu d'ici, c'est à dire pas très haut mais quand même, Five Dollar Priest semble toujours ce groupe largement méconnu et sous estimé. La qualité musicale est pourtant indéniable et le pedigree garantit l'authenticité sans faille de ce groupe new-yorkais. Quand bien même des changements notables dans le personnel sont à noter. Bob Bert a laissé son siège de batteur à Benjamin Burt. Gaines Legare est le nouveau bassiste à la place de George Porfiris, ex-Heroine Sheiks. Et Norman Westberg (Swans) ne fait plus que de la guitare, et encore pas principale, sur deux compositions, au détriment de Grasshopper (ex-Mercury Rev) devenant ainsi le principal gratteux sachant aussi souffler dans un saxo soprano. Par contre, le taulier est toujours Ron Ward et sa voix de feu. Et pour ce qui est de la clarinette ou des claviers, Patrick Holmes et Christina Campanella sont toujours fidèles au poste.
De nouveaux musiciens moins connus mais ça ne change rien à l'affaire. Au contraire. Après un premier album self-titled et le second Jazz Salt, Eyes Injected With Love ne baisse pas de pied et offre une nouvelle fois un beau moment de rock'n'roll fiévreux, pétri de classe et au feeling légèrement jazzy. Une recette musicale inchangée donc mais la grâce ne les quitte toujours pas. Je trouve même que Five Dollar Priest a remis un sérieux coup de piston dans le groove, malmenant comme jamais son rock'n'roll à la sauce urbaine avec une pointe d'anarchie, de dureté et de noirceur supplémentaire, faisant plonger le groupe encore plus profondément dans les méandres de la grosse pomme tentaculaire.
Le feeling jazzy se veut plus free, plus dingue avec les lignes mélodiques de la clarinette se télescopant avec le jeu plus désordonné du saxo, s'entremêlant avec les entrelacs grésillants de la guitare dessinant des arabesques dont la propreté n'est pas la priorité absolue et un batteur qui pulse plus l'accoutumée sans se départir d'une précision impeccable. La voix légèrement trafiquée comme sous un voile fumeux et habité de Ron Ward finit de faire monter la température entre deux injonctions rageuses et une encre sombre trempant sa plume dans les désillusions.
Un album dans lequel tu ne rentres pas comme dans du beurre mais huit titres à l'intensité sans faille. De Kerosene qui n'est pas une reprise à Glouster Blues plus furieux que la moyenne. Du titre introductif Eyes Injected With Love et son maillage où les différentes sonorités se tamponnent et se marient pour le meilleur et le meilleur aux rafales de batterie sur Natural Country Light auquel succède un Patterson Skin solidement charpenté et qui n'amuse pas le terrain. Et enfin les deux derniers morceaux, Overboard et The Sea is Exploding, à l'instar de tout l'album, portés par un souffle inédit auquel les New-Yorkais ne nous avaient jamais habitué à ce point.
Five Dollar Priest envoie valdinguer tout les Gallon Drunk et Jon Spencer de la terre, croise Tom Waits qui aurait bouffé du Chrome Cranks et signe son meilleur album. Profitez en puisque Five Dollar Priest tire sa révérence sur ces yeux injectés d'amour. Ce qui correspond tout à fait à mon regard pour un groupe qui n'aura jamais eu la reconnaissance qu'il aurait mérité d'avoir.

SKX (12/01/2015)