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Fat Supper
Academic Sausage - CD
Les Disques Normal 2015

Quand tu vois la gueule de la pochette, tu te doutes bien que ça va pas être un disque de musique minimaliste ou de rock gothique pour corbeaux hypocondriaques. D'ailleurs, tu sais pas à quoi t'attendre. Mais tout est possible.
Ouverture maximale vers un monde où les étiquettes valsent comme un jour de soldes et les chapelles musicales brûlent dans un grand feu de joie revendiqué d'influences très variées. Et pourtant, ce n'est pas le grand n'importe quoi. Fat Supper, ça vient de Rennes et Academic Sausage est un deuxième album qui se cuit à point sur l'autel de la désinvolture, se mangeant par les deux bouts avec la gourmandise du type qui veut goûter à tous les plats. Et dont le point commun est le plaisir.
Plaisir de jouer avec les codes du rock, les assembler comme bon leur semble, les assaisonner à différents niveaux d'intensité, inclure quelques saveurs exotiques qui peuvent faire peur comme un phrasé hip-hop et ses scratchs sur Odd Box mais qui, dans la tambouille Fat Supper, surprennent et flattent le palais une fois dégluti. Mais on ne va passer en revue tous les styles abordés par le quatuor rennais. Parce qu'on a beau dire que Fat Supper s'abreuve à de multiples sources, j'entends avant tout un disque de rock'n'roll cohérent, un disque qui fourmille d'idées, de rythmiques inventives (Pierre Marolleau, ex-For Damage), de guitares grésillantes, élégantes ou frivoles, de riffs tourbillonnants et dérapants dans un échange parfait entre deux guitaristes (André Rubeillon et Léo Prud'homme) qui ont eu le temps de peaufiner leur art dans leur précédent projet Leo88man (sans oublier le troisième larron, Yoann Buffeteau, en mode baryton et responsable de la pochette), de claviers apportant leur obole aux mélodies de travers, d'un groove lancinant pour déhanchements concassés et avec la belle voix éraillée à la Tom Waits de Prud'homme dans le rôle du guide et du point de repère au milieu du paysage mouvant. Un disque de rock'n'roll libre de toutes attaches, des pieds de nez aux anciens pour mieux rebondir dans le présent. Les compositions sont tour à tour convulsives, bruyantes, décontractées, tordues, comptines apaisées ou accidentées, ivres d'une rage contenue et d'une mélancolie échevelée. Vous pouvez donc entendre des émanations de blues. Vous pouvez penser au Captain Beefheart, à Timber Timbre ou aux Lyonnais de Zëro sur plusieurs passages avec ce souci permanent de recherche sonore et ce petit brin de classe et de profondeur pour donner envie de revenir régulièrement y goûter vu qu'en plus, il y aura toujours quelque chose à découvrir, un détail que vous n'aviez pas entendu à la précédente écoute, une humeur nouvelle qui provoquera toutes sortes de sentiments et son contraire selon votre propre état d'esprit du jour. Quand tu vois la gueule de la pochette, tu te dis que tu as bien fait de passer outre. C'est du sérieux là-dedans mais qui explose les convenances avec une jubilation donnant envie de les suivre.

SKX (11/06/2015)