L'art du faux-semblant à Marseille, ça les connaît. Quand ils te disent que c'est tout noir, tout est blanc. Quand ils font croire que c'est un groupe de jeunes chiens fous, ils sortent une mélodie pop imparable toute de douceur ambiguë. Quand ils apportent euphorie et vitalité, ils plombent l'ambiance et glissent mélancolie et colère dans des compositions toujours aussi insaisissables. Les trois gars de Conger ! Conger !, c'est l'inversion des pôles, l'opposé qui s'affronte, l'antagonisme d'une ombre sous le feu de la lumière, l'illumination assombrie par une fêlure ancienne dans une pochette aussi noire qu'un ministre de l'intérieur est anarchiste. Quatre nouveaux titres fidèles à ces courants contraires. Deux plus deux égale moitié enragé, moitié frissons dans le bide et totale réussite au final. Le trio marseillais fait preuve une nouvelle fois de son grand talent d'écriture et de personnalité. Deux titres, Awa et Hatch ! pulsant la rage qui sommeille en eux en moins de trois minutes. Deux autres, Sex Without Joy et I Am The Man qui font passer par tous les états, longues montées de tension arrachant autant une larme que l'envie de sortir une lame de sa poche. Ou tout et son extrême au sein d'un même morceau, floraison de sentiments ne laissant pas indifférent. Prenez Sex Without Joy par exemple. Rien que le titre ne donne pas envie à la gaudriole. Et pourtant, de ce titre qui serre la gorge se dégage une beauté touchante, sans apitoiement avec une construction en palier débouchant sur une compo lumineuse. Idem avec I Am The Man, avec ce chant aérien répétant le titre du morceau comme une longue complainte et contrebalancé par un sample de prédicateur enragé. Confrontation résumant parfaitement tout le sel et la sensibilité unique d'un groupe qui fait preuve comme sur les deux albums précédents d'une inspiration impeccable. Il se dit qu'une version vinyle de ce CDEP devrait voir bientôt le jour.

SKX (16/01/2015)