cmontigre
africantape

C'mon Tigre
s/t – 2xLPs
Africantape 2015

Tout s'ouvre sur un minuscule univers, passages d'ombres qui frôlent des ruines, clarté captée dans la torpeur d'une nuit suffocante. C'mon Tigre, c'est autant une énigme qu'une révélation, une nouvelle entité au patronyme exotique et sibyllin, deux types qui ne veulent pas dire leurs noms et leurs origines mais qui seraient italiens que ça n'étonnerait personne, débarquant de nulle part dans la vie avec direct un double-album, planant sur une multitude de styles musicaux que la planète dans ses moindres recoins ait pu engendrer sans faire pour autant de la world music, rodant aux quatre coins du globe pour rencontrer et enregistrer avec une ribambelle de musiciens d'horizons très diversifiés et autant d'instruments bigarrés. Et tout ça under mother nature's supervision comme ils disent. Ça sent l'encens à deux balles et le patchouli synonyme de fumisterie sauf que C'mon Tigre te dévore tout cru. Avec classe et raffinement certes mais le résultat est bluffant et ne donne pas une haleine de chacal.
Treize titres évoquant tour à tour les fameuses séries Éthiopiques, où traînent pas loin des Hollandais égarés en Afrique (The Ex) ou restés chez eux (De Kift) à écrire des airs magnifiquement mélancoliques avec des cuivres qui vous transportent sur des chemins de traverse étoilés. Beaucoup de cuivres. Du bugle, un euphonium (ou tuba ténor), des saxo (alto et ténor), de la trompette mais aussi des claviers (synth bass, farfisa, mellotron, stylophone, vibraphone), appareillage céleste sublimant le chant et la guitare. C'mon Tigre, c'est aussi du free-jazz qui ne reste pas dans les clous avec les huit minutes de A World of Wonder, rare morceau avec une vraie batterie (jouée par Danny Ray Barragan), le reste n'étant que boite à rythmes, éléments percussifs et battements de cœur. Ou alors, c'est du funk langoureux, de la pop chamanique et que sais-je encore des étiquettes à la con qui font valser les certitudes.
C'mon Tigre, c'est avant tout l'ivresse de la dérive, des douceurs crépusculaires, la ghostly slide guitar, instrument qui résume bien la sensation de ce disque, sentiment d'une musique fantomatique, d'une vision qui glisse, incertaine, un mirage auditif qui fait entendre ce que l'humeur du moment veut bien écouter, changeante au gré des heures et de la solitude qui pèse au milieu du tumulte. Le chant est traînant, semble vouloir se casser la gueule à chaque souffle supplémentaire, comme les mélodies d'une guitare maigrelette, contrastant pourtant avec la force se dégageant au final de ces compositions variées, inventives et brillantes. De l'évident hymne Fédération Tunisienne De Football qui va rassembler beaucoup plus que des footeux tunisiens au sublime morceau de fin Malta (The Bird and The Bear) et sa mélodie qui retourne les sens, d'un December que n'aurait pas renier Timber Timbre à la doublette envoûtante Building SocietyThe Great Collapse et Renovation – entre le shiny days douloureusement susurré dans le creux de l'oreille et le tenor sax de Jessica Lurie et la trompette de Rocco Favi faisant monter crescendo les frissons, la bande de C'mon Tigre réalise une collection de titres lumineux à travers un filtre fantasmagorique. L'univers s'est démesurément agrandi et désormais, tout est possible.

SKX (26/04/2015)