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Buck Gooter
The Spider's Eyes – LP
Sophomore Lounge/Feeding Tube 2014


Buck Gooter maintient la cadence. Tendance infernale. Seizième album depuis 2005. Record à battre. Le duo a pris désormais un ticket chez Don Zientara au fameux Inner Ear Studio. Mais ça ne change rien. C'est toujours eux contre le reste du monde. Rien à foutre de ce qui se fait ou ne se fait pas, improbable association entre Billy Brat (29 ans) et Terry Turtle (62 ans) débouchant sur un album encore plus sombre, boiteux, inégal, d'un minimalisme rageur, accident industriel dans la paisible bourgade d'Harrisonburg. Bucolique également avec Terry Turtle poursuivant son inventaire de l'arche de Noé avec les fourmis sur Ants Are Cool après avoir fait de même sur les albums précédents avec les chats, les cochons, les vaches, les serpents et même les mouffettes (tu devrais savoir ce que c'est puisque c'est de la famille des blaireaux). Un homme assurément proche de la nature puisqu'il propose aussi de faire l'amour avec un nid de frelons sur Sex With a Hornet's Nest. Ce n'est clairement pas la face la plus prenante de Buck Gooter. Mais c'est également ça le charme de Buck Gooter. Des riffs qui sentent la terre glaise sur fond de boite à rythmes mutante, un punk-blues rachitique fait avec trois bouts de ficelles au fond de la grange, une belle dose d'agressivité primaire et après eux le déluge. Ce truc qui ne paye pas de mine, qui accroche le fond de la casserole et accouche de compos rustres.
Par contre, Buck Gooter est capable également d'installer une atmosphère flippante, beaucoup plus qu'auparavant, avec toujours un coté amateur, bricolage et décalé transpirant derrière cette débauche de bruitages tordus et cheap, une boite à rythmes tellement vieille qu'elle grésille dans son jus et un thérémine grinçant. Ainsi, No One Owns The Sky, Poodle Wagon/Pink Dye ou le morceau The Spider's Eyes évoquent un Suicide des campagnes abandonnées, un Xiu Xiu redneck, lapidaire, répétitif, sale, musique industrielle involontaire avec toute la hargne de Billy Bratt au chant qui agit comme un MC pour amener son duo déglingué vers des contrées inhospitalières dont le relief est autrement plus bandant alors que We Are Spiders, avec ce bruit de vieille poulie derrière et des parties de guitares plus vaillantes, mérite aussi crédit. Mais Buck Gooter est brute de décoffrage. Ça passe ou ça casse. Le meilleur côtoie l'anodin. Un coup de cloches de la cathédrale Saint Etienne de Passau en Bavière sur le dernier titre et The Spider's Eyes sonne le glas d'un groupe toujours aussi étrange, bancal et comportant aussi des fulgurances dans une ambiance générale détraquée s'enfonçant toujours plus loin dans les méandres de cerveaux malades.

SKX (26/03/2015)