|
Baton
Rouge Totem LP Adagio 830/Bakery Outlet/Pure Pain Sugar 2014 Si on mavait dit quun jour ma vieille copine Euterpe, toujours un brin facétieuse, allait troquer sa couronne de fleurs fanées pour exhiber des petites cornes de diablotin avant de me taper moqueusement sur lépaule et minciter à écrire cette chronique dun album de Baton Rouge, jaurais bien rigolé. Et jaurais encore plus ri dapprendre que cette chronique allait, bon gré mal gré, être plutôt positive. Tout arrive, les muses qui se jouent des sentiments des simples mortels comme les chroniqueurs de disques un rien ronchons qui, in fine, se retrouvent touchés et émus par une musique qui nest pas la leur, ce qui jusquà présent me semblait bien être le cas de celle de Baton Rouge. OK les raccourcis et les préjugés ce nest jamais très bon pour lhonnêteté intellectuelle et, pour illustration, en voici justement un, de préjugé : nayant jamais réellement porté Daïtro dans mon cur, javais en toute logique obscurantiste choisi de faire limpasse sur Baton Rouge, groupe dans lequel se retrouvent, je crois, quatre des cinq membres de Daïtro Mais cétait donc sans compter sur Totem, deuxième album du groupe et publié à la mi-2014. Oui, il maura peut-être fallu du temps avant que je men rende compte, il men aura fallu des écoutes, dabord distraites puis attentives, pour que je sois à mon tour frappé par lévidence de la musique de Baton Rouge qui porte plus que jamais en elle les marques dune vérité un peu bancale et fébrile, voire fragile, mais toujours exprimée avec cette conviction héritée de lépoque Daïtro, cest vrai qui force le respect et ne demande quune seule chose : quon lécoute, justement. Je ne vais pas rentrer dans le débat consistant à déterminer si Baton Rouge peut toujours se revendiquer de la bonne vieille école screamo européenne des années 2000 mais, pour ma part, jai bien trop de mal à retrouver dans la musique du groupe tous les poncifs ados et boutonneux qui mont tant de fois horripilé et fait fuir à toutes jambes. Non, Baton Rouge, sans avoir perdu une certaine gouaille punk, se place plutôt sur le terrain dégagé dun indie-rock mélodique, classieux et, certes, bourrés démotions à fleur de peau. Le chant en français garde lui souvent ces traces dune colère décorché vif qui ne demande quà exploser au grand jour et à la face de tous mais en ce qui concerne la musique cest (presque) une toute autre histoire, toute en subtilité et en épure. Les guitares (et les lignes de basse) sont dune élégance princière ce qui ne les empêche pas de faire occasionnellement du bruit mais semblent également avoir trouvé une partie de leur inspiration quelque part entre un Sonic Youth en mode contemplatif et un Slint décomplexé malgré un spleen envahissant. Parce que chez Baton Rouge le spleen semble omniprésent voire intrinsèque mais il ne consiste pas à se regarder dans les pompes ou à pleurer sur le souvenir dune ex-petite amie, non le spleen apporte une sorte de lumière, une force peu commune mais raisonnée, une vindicte libre bien que pleine de pudeur et des mots, des paroles, qui sonnent comme des inventaires de vie non définitifs. Baton Rouge est donc ce groupe là, simplement. Hazam (05/03/2015) |