unwound
numerogroup


Unwound
Kid Is Gone – 4xLPs
Numero Group 2013



Numero Group, label de Chicago spécialisé jusqu'à maintenant dans la réédition et la compilation de vieux groupes de soul ou de rock, s'est attaqué en 2013 au catalogue d'Unwound après avoir commencé à tâter de la sphère indie-punk avec Codeine en 2012. Trois vinyls dans un luxueux boîtier tiré à 4000 exemplaires, avec un quatrième vinyl en bonus tiré à 1000 exemplaires en commandant directement auprès du label, des inserts avec la reproduction des artworks d'origine, un épais livret de 27 pages avec photos, dessins, affiches, flyers d'Unwound et l'histoire du groupe raconté par David Wilcox, le roadie d'Unwound. Tu voudrais bouffer encore plus d'Unwound que ça serait pas possible. Tout y est. Même leurs parents n'en savent pas autant. De quoi satisfaire le geek le plus misérable.

Kid Is Gone s'attaque à la préhistoire du trio de Tumwater, patelin à quelques encablures d'Olympia, capitale de l'État de Washington, elle même à une poignée de Miles de Seattle. Vous me voyez venir avec mes gros sabots mais la notion de scène géographique est importante aux États-Unis. En 1991, Nirvana explose mondialement de partout avec Nevermind alors que Bleach avait déjà laisser une profonde trace depuis 1989 sur les kids du coin. Unwound n'échappe pas à la règle et l'influence Nirvana est incontournable dans la genèse du groupe. Giant Henry (le groupe qui deviendra ensuite Unwound) partage d'ailleurs à Olympia en 1991 l'affiche avec Kurt Cobain et Dave Grohl (jouant sous le patronyme de Witchypoo, un supergroup avec Joe Preston ce soir là) qui leur balanceront sympathiquement des coussins sur la tronche pendant une reprise de Flipper. Un truc flotte dans l'air, le parfum d'une force plus grande.
Tout coïncidait déclare Justin Trosper (guitare, chant). Bikini Kill se formait. Sub Pop commençait à exploser. Nirvana était en train de devenir énorme. C'était dingue. Nous étions si jeunes et j’étais totalement obsédé par ça. Une fois que nous avons commencé à être impliqué, ce n'était plus une option. Nous devions en être.

Brandt Sandeno était le musicien du groupe, celui qui possédait guitares et amplis. Et des parents riches (le père est dentiste, la mère est comptable) qui achèteront une basse pour Justin Trosper. Et une batterie à un certain Barrett Martin, futur Screaming Trees pour le troisième larron, Johnny Wilson. Le trio commence à répéter des reprises de Redd Kross, SNFU et Hüsker Dü. Et quand Wilson se casse, le duo restant passe l'annonce suivante : cherche batteur entre Hüsker Dü et No Means No. Pour No Means No, je cherche toujours. Mais pour le groupe de Bob Mould, oui, certainement. Les racines du groupe sont hardcore et punk. Mais pas que. L'annonce ne donnant rien, le groupe continue à deux et s'inspire des Melvins pour faire quelquechose de plus lent et sale sous le nom de Johnson, Johnson and Johansson. Finalement, Vern Rumsey, autre pote du lycée les rejoint. Le trio décide de faire dans le concept et font les punks. Chacun prend un instrument qu'il ne connaît pas. Sandeno passe à la batterie, Trosper à la guitare et Rumsey hérite de la basse. Giant Henry est né. Un groupe de potes de lycée voir d'enfance, une blague entre amis. Un groupe qui draine pas mal de monde dans leur entourage, au point que Trosper et son copain Adam Shea formeront un autre duo, Supertanker, pendant les temps morts de Giant Henry alors que Sandeno assouvit sa passion de la guitare au sein de Glad.

Mais le trio se lasse du nom stupide de leur groupe et désire évoluer musicalement. Giant Henry joue son dernier concert le 1er juin 1991 en exécutant un dernier titre, Chris Jordan, pendant une heure, dont la moitié par des personnes du public et plus aucun membre du groupe sur scène. Unwound naissait un mois plus tard. Ah non, zut, Cygnus X-1 était né. Heureusement, ils ne feront qu'un seul concert avec cet autre nom stupide et opte définitivement pour Unwound.




Le premier vinyl, Caterpillar, regroupe les huit titres de la cassette demo du même nom, enregistrés avant la première tournée du groupe, trois semaines dans le nord-ouest américain qui les emmèneront jusqu'à Washington DC et New-York pour des shows avec Nation of Ulysses ou Rodan. Justin Trosper fait ses gammes en écoutant Greg Ginn et les disques de Black Flag comme le EP instrumental The Process of Weeding Out et la face B de Family Man. Rumsey qui n'écoute que Metallica et AC/DC découvre grâce à Trosper le groupe de San Francisco Steel Pole Bath Tub (groupe avec qui Unwound partagera un single en 1996 sur Honey Bear records) et se prend dans la face le jeu du bassiste Dale Flattum : the be-all, end-all for me, just the dynamic of how he played, really aggressive angry, but also, i dont know, sensual, i guess. La frappe de Sandeno devient plus puissante et précise.
Pour ceux qui ne connaissent que Unwound à partir de l'album New Plastic Ideas, Unwound n'est pas franchement identifiable. Unwound est plus primaire, brutal et punky, comme une version rugueuse entre Nirvana, Hüsker Dü et Jawbreaker. Mais la face A se termine par Crab Nebula, morceau instrumental considéré comme un nouveau point de départ par le groupe, le lien entre Giant Henry, leur passé d'hardcore kids et ce qui va faire que Unwound va devenir Unwound, une entité à part plus élaborée et chérie de l'underground.
Face B, Caterpillar regroupe quatre titres. Le single 3 titres du même nom réalisé en 1991 par le label naissant Kill Rock Stars et You Speak Jealousy. Techniquement parlant, c'est le tout premier morceau enregistré sous le nom d'Unwound (le 22 juillet 91) pour le compte de la compilation Kill Rock Stars et qui pourrait passer pour une chute de studio de Bleach ! Caterpillar, la compo principale, respire également cette influence tout en étant encore loin de critère hautement qualificatif. L'instrumental Miserific Condition montre un Unwound plus bruyant mais rien d'essentiel. Face B, Love and Fear était un choix de Slim Moon, le patron de Kill Rock Stars, son morceau préféré à l'époque du répertoire d'Unwound. Mais il regrettera plus tard de ne pas avoir écouté Trosper. A ce moment là, je pensais que mon job était d'aider les groupes à choisir les meilleurs morceaux. J'étais pratiquement sûr que Justin ne serait pas d'accord pour mettre ce titre sur le single mais je l'ai convaincu. Avec le recul, je suis d'accord avec lui, c'est le moins bon morceau des trois.






En mai 1992, Unwound retourne en studio pour mettre en boite son premier album avec Steve Fisk. Il faudra attendre 1995 pour entendre cet album. La raison est simple. Brandt Sandeno quitte le groupe avant le mixage du disque. Les relations entre Sandeno et Trosper battent de l'aile et le batteur, mettant l'amitié au dessus de la musique, préfère arrêter là avant que ça devienne trop aigre. Trosper reconnaît lui même qu'il prend trop le contrôle du groupe. I was like, we're gonna do this, and we're gonna do this, we're gonna do the record, and when the record's done, we're gonna keep touring. What could be better ? I wasn't going to college. I didn't even want a job. Brandt just didn't see it that way.
Alors que Slim Moon panique à l'idée de perdre tout l'argent mis dans l'enregistrement, il se dit qu'il vaut mieux trouver un autre batteur et repartir sur de nouvelles bases. Ce deuxième vinyl, sobrement appelé Unwound (sorti en 95 sur Punk In My Vitamins, le label de Vern Rumsey et Honey Bear pour le CD), se retrouve dans son intégralité sur la réédition de Kid Is Gone, ainsi que deux inédits issus de la même session d'enregistrement, I'd Die to Know You et Sugarfit (rien de spécialement prépondérant mais ces deux instrumentaux ne sont pas désagréables, loin de là). Avant de figurer sur cet album de 95, cinq des onze morceaux avaient déjà été dévoilés sur deux singles en 93. Un sur Gravity records et l'autre sur Kill Rock Stars pour Kandy Korn Ritual 7''. Unwound est en progression. Plus noise, plus vicieux et hargneux tout en gardant ces accroches mélodiques, cet esprit punk et direct et ce relent de Nirvana comme sur Fingertips. Les compos s'affirment et Unwound est, a posteriori, un bon premier album d'Unwound. Mais ils feront encore mieux après.






Le troisième disque s'intitule Chant of Vengeance. Cinq titres enregistrés dans les studios de la radio KAOS le 30 mars 1992. Cinq autres captés live dans la cave de Damon Houk le 16 mai 1992, toujours avec Sandeno à la batterie. Dix titres pour lesquels il est indiqué à chaque fois Previously unissued mais seulement deux véritables inédits à l'arrivée : Ape Skins et Ankward. Les huit autres sont des morceaux existants dans d'autres versions sur l'album Unwound ou sur les premiers singles. Et comme ces versions ne bénéficient ni d'un son optimal ni de versions plus bandantes que celles figurant ailleurs dans ce coffret, on se retrouve avec un disque embarrassant.





Le quatrième vinyl bonus est un live lors de la dernière tournée du groupe avant cessation de toutes activités. Enregistré chez eux, à Olympia, le 26 juillet 2001, au Phoenix St House et mixé par Justin Trosper en 2013. Et alors qu'on pouvait s'attendre à des morceaux issus de leurs derniers albums, Unwound s'attaque au répertoire de jeunesse, s'accordant donc parfaitement avec la réalisation de ce coffret. Ça commence par Crab Nebula, ça enchaîne par des morceaux de l'album Unwound, des singles de 93, la demo Caterpillar et même Chris Jordan, un titre de Giant Henry. Avec en prime un inédit, Listenator, dont on ne comprend pas pourquoi il avait été laissé dans le caniveau. Et comme le son est très bon, ce disque offre sans doute les versions les plus intéressantes de ces morceaux dont certains comme Understand and Forget se retrouvent en trois exemplaires sur Kid Is Gone.



Ce n'est clairement pas la meilleure période d'Unwound. La plupart des groupes ont honte de leurs travaux de jeunesse alors qu'ils sont encore loin de maîtriser leur sujet. Mais c'est la période d'un groupe de lycée qui prendra peu à peu ses rêves pour la réalité, qui n'a pas à rougir de ses débuts et se donnera corps et âme dans un groupe qui marquera la décennie de l'indie-noise-punk.

SKX (01/10/2014)