torticoli
bigout
kerviniou


Torticoli
s/t LP
Bigoût, Kerviniou, Ernie Diskale 2014


Le cou écarlate spécialiste des déboîtements des causes perdues, confrontation et coup de boule dans la perspective d'une fuite en avant des responsabilités soumises à un dictat d'une nauséabonde nomenclature de l'insoluble, le trio lyonnais Torticoli ose se fourvoyer dans l'impossible devenir d'un premier album. Et paye ton album. Deux morceaux. Chacun une face. Un peu plus d'un quart d'heure le morceau. La rentabilité au seuil de l'inconséquent. Il se chemine des raisons aiguisant la vigilance, la joie d'en découdre avec un disque qui va tordre les traditions.
D'un split laissant la trace de trois titres, Torticoli s'arroge le titre de l'absolue volonté de t'emmerder au plus profond. Répandre les affres d'un noise-rock foisonnant et instrumental donnant la voie d'une furieuse destinée explosive où les sens perdent le rythme et l'incontinence de deux guitares font les échappées belles. La fin se désolidarise du début, éclatement des morceaux en une multitude de minutes s’enchaînant comme dans un film – pour ne pas dire comme dans un rêve – pour former un long train rempli de soubresauts, de dérapages, d’emboîtements, de fausses arrivées et de prodigieuses traversées de paysages sonores où chaotique et mélancolique font colchique sur une impression de montagnes russes alors que Torticoli ne perd jamais le nord. Tu ne connais pas la destination finale, tu te sens paumé au début, les escales sont légions, corollaire de changements de direction dans ton dos, valise que tu es, trimballée sans se rendre compte de rien, prenant confiance peu à peu pour évoluer à ta convenance et heureux de ton voyage en pays asymétrique. Torticoli rend hommage au Captain Beefheart sur le début de Home ! Swamp Home ! Red Lips 'N Silk, persifle le blues dans les riffs de deux guitares déglinguées, naviguant aussi dans le champ fleuri de Colossamite ou Moller-Plesset sur Howlin' Owl, Sour Milk, frisant les moustaches d'arpèges titubant. Mélodiquement tordu, répétitif jusqu'à l'hypnose mais en position offensive toujours, harmonieux et triste aussi sous l'agitation, le coup de blues énergique, rythmiquement déviant, tapageur, libre de frapper où bon lui semble. Deux malheureux titres certes, honteusement longs mais c'est étonnement limpide, ambition portée par un souffle inarrêtable où le temps défile comme une chevauchée fantastique. C'est merveilleusement et analogiquement mis en boite au vert au studio Kerwax par Christophe Chavanon (The Good Damn). Torticoli te remet les idées en place et offre un premier album osé et luxuriant.

SKX (14/12/2014)