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Tom
Bodlin
Comme Je Descendais des Fleuves Impassibles - LP
Kerviniou, A Tant Rêver du Roi, Furne 2014
Comme Je Descendais des Fleuves Impassibles, le poète du
saxophone Tom Bodlin embrouille les sens dans un jeu de rythmes et de
sonorités, haleur insoucieux vous tirant là où il
a décidé d'aller, sans suivre le cours d'albums précédents,
tous différents mais au fil conducteur brillant en continu.
Saxo alto, saxo baryton, saxo soprano, Spat'sax (ou partouze de cuivres
judicieusement emboîtés),
plus vastes que nos lyres et guitare à la portion congrue. Souffle
perpétuel d'un flot roulant au loin ses frissons, album le quatrième
bâtit sur des vents consistants, ballottement entre des récifs
écorchés, des bouts de structures qui font voguer l'âme
dans des torpeurs enivrantes, Tom Bodlin s'est inspiré du poème
d'Arthur Rimbaud, Le Bateau ivre, pour faire vibrer et gonfler
encore plus beau sa panoplie rutilante et unique. Et j'ai cru entendre
quelquefois ce que l'homme a cru entendre.
Le gars Tom Bodlin démâte le gars Tom Waits et plonge en
eaux troubles dans une flache qui n'est ni noire ni froide mais remplie
de lunules électriques, naviguant au gré d'un découpage
rythmique titubant, auréolant un swing tour à tour haletant,
piquant ou poignant à l'instar du magnifique Love Always Wrong
et le chant surprenant et céleste de Bodlin qui voudrait se faire
passer pour un enfant de chur. Pas à nous, mec. Par contre,
quand sur Love Sick, il dit que maybe I'm crazy, on le croit
plus volontiers. Une folie qui le pousse à fermenter un incroyable
nid de serpents lors des dix minutes intitulées Dans Les Clapotements
Furieux des Marées. Arche de bruits animaliers, sanglots de
saxophones, irréalisme des sons, tohu-bohus triomphants, voix off,
c'est l'évocation d'une destination vers l'inconnu, la bande sonore
d'un bateau ivre, d'une épave à la dérive. Et Le
Bateau ivre, c'est l'autre folie de ce disque sur l'autre face. La
récitation, vers par vers et au mot près, du long poème
de Rimbaud sur fond de musique tournoyante et cyclique pareille à
la houle.
Une floraison de cuivres plus tard sur l'enlevé La Circulation
des Sèves Inouïes et la caisse claire battant la chamade
de Can't Stop Smoking, Tom Bodlin continue son incroyable odyssée
personnelle, dévorant les azurs verts et ivre d'une quête
qui le laisse descendre là où il veut et nous abandonne
plus léger qu'un bouchon dansant heureux sur les flots.
SKX (15/10/2014)
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