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Térébenthine/Isaac
(spl)IT - LP
Poutrage, Atypeek Music, Ocinatas 2014

Les sages demoiselles du tableau de Louis Janmot ne feraient pas la ronde bien longtemps si elles savaient ce qui se tramait à l'intérieur de ce disque. Déflagrations noise à tous les étages, crispations, convulsions et orages électriques pour promptement relever ses jupons et se mettre à l'abri. Deux groupes de Reims s'entendant comme larrons en foire dans leur lecture du noise-rock, tour à tour punitif et introspectif, physique et cérébral.
Térébenthine nous avait laissé avec un album en demi-teinte mais porteur d'espoirs. Le duo instrumental guitare-batterie revient avec quatre titres un cran largement au-dessus. Térébenthine n'est toujours pas du genre à attaquer bille en tête et défourailler les vierges effarouchées, mais la balance entre riffs cinglants et navigation en eaux troubles est désormais parfaitement trouvée. Le tumulte ne s'arrête jamais, même au plus creux de la vague. Quand guitare et batterie se mettent en pointillé, ce n'est pas pour vous permettre d'aller faire une pause mais pour vous nouer les tripes sur des arpèges éclatants d'une guitare profonde sonnant d'enfer et se préparer à prendre une volée de rythmes, mettre en valeur une cavalcade effrénée ou des coups de butoirs explosifs. En fait, comme pour leur précédent disque, la frontière n'est pas nette. Pas de schizophrénie entre parties calmes/parties énervées. Térébenthine est loin de ce cliché et surfe sur une narration faite de nuances plus ou moins marquées et contrairement au disque d'avant, les crêtes déchirantes sont bien plus nombreuses, l'intensité de tous les instants. Le point culminant figure au quatrième morceau, le pharamineux Purusha (faisant déjà suite à un Crade & Râle fortement juteux) qui n'est que montée d'adrénaline, abrasion et un passage sur la fin guitare-batterie frénétique de toute beauté. Un morceau qui ne donne pas envie de tourner la face mais de remettre ça illico-presto.

Isaac va pourtant se révéler comme un compagnon de disque idéal. Un trio instrumental (les cris dans le fond ne comptent pas vraiment) versant encore plus sur la face éclatée et tourmentée du noise-rock. Et quand les sept minutes trente de Ilianok arrivent à vous faire penser à Colossamite et Dazzling Killmen, c'est que vous tenez le bon bout et êtes au devant d'une putain de bonne surprise. Je me souviens vaguement de leur premier album, Herpès Maker, qui était loin de faire éclater un furoncle contrairement à ce morceau. Du grand art, un numéro d'équilibriste sauvagement tendu, avec des pièges, du poignant, du virulent, des dérapages incontrôlés et un son de guitare déchirant l'air comme jamais. En fait, pas besoin d'aller chercher des influences de l'autre coté de l'Atlantique (qui ne sont d'ailleurs pas franchement méritées sur l'ensemble des trois morceaux, juste un raccourci facile pour vous situer l'ambiance) alors que tout se trouve à leur porte, chez les dénommés et hélas défunts 37500 Yens dont on retrouve un savoir-faire proche pour un frisson quasi aussi grand. Comme les deux titres suivants, Corps Dur et Bruit Blanc procurent un bonheur identique entre noise triturée dans tous les sens, approche expérimentale et constructions ne se souciant guère des conventions, ce split album devient carrément de la bombe.
Par contre, pas de problème pour mettre fin à la face puisque ça se termine sur un méchant loocked groove, juste de l'embarras pour savoir quel coté du disque remettre puisque les deux sont aussi bons l'un que l'autre.

SKX (06/03/2014)

 
Teho Teardo & Blixa Bargeld