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homeless































































The Stickmen
s/t – LP
Homeless 1998/2013
Man Made Stars – LP
Homeless 1999/2013

Vous connaissez tous le coup du secret bien gardé, du groupe totalement inconnu qui est en fait le meilleur du monde et que t'es vraiment qu'un gros naze si t'en a jamais entendu parlé. Alors qu'en fait ce n'est qu'un pétard mouillé et des fausses promesses. Et bien pour une fois, c'est peut-être bien vrai ! The Stickmen était un putain de bon groupe et personne n'en a jamais rien eu à foutre. Faut dire qu'ils ont tout fait pour que ça se passe comme ça. Comme il est mis sur le sticker de présentation sur le plastique du vinyle : few photos, no interviews, no egos. Deux albums uniquement parus en CDs en 1998 et 1999 à compte d'auteur pour des objets n'ayant jamais quitté la Tasmanie, leur île natale et l'autre bout de terre flottante d'à coté, l'Australie. Le culte pouvait naître.
Et parmi les adorateurs, The Drones. En février 2013, ces derniers invitent The Stickmen au festival ATP et quatorze années après leur séparation dans l'anonymat le plus complet, The Stickmen refoulait les planches d'une scène. Il n'en fallait pas plus pour réanimer la flamme et Homeless records, le label qui monte chez les kangourous, réédite les deux fameux albums, en vinyles uniquement, dans d'épaisses pochettes cartons dans lesquelles il est difficile de rentrer les disques sans forcer comme un dingue.
La populace va enfin avoir connaissance du secret. Et c'est le pied intégral. The Drones est parfois mentionné pour parler des Stickmen mais tout ça, c'est parce que The Drones les a ressuscité, par fainéantise et, allez je le concède, pour quelques parties de guitare à la rigueur. Mais la musique de Stickmen est bien plus anguleuse, plus post-punk, notamment sur le premier album, celui dont la pochette est inspirée par L'Homme qui marche, une sculpture en bronze d'Alberto Giacometti. En fait, ce disque fait penser à tout un pan de la discographie de Flying Nun records, des germes de musique néo-zélandaise, les Gordons, Straitjackets Fits, des cavalcades effrénées, répétitives, bruyantes et ce sens inné de la mélodie exotique, nerveuse et mélancolique. Des morceaux comme les phénoménaux Without a Clue, Creep Indide et Who Said it should be Good (qui existe en version longue en utilisant le coupon de téléchargement à l'intérieur de chaque disque), ce sont de furieuses envie de prendre le premier avion pour Wellington et se mettre à genoux devant Aldous Kelly, la tête pensante de The Stickmen qui vit désormais en Nouvelle-Zélande.
Mais The Stickmen, s'il peut faire penser à plein de groupes, garde une touche unique, ne serait-ce que par sa formation comprenant un mec aux platines vinyles (Matt Greeves) en plus du traditionnel guitare/chant, basse (Luke Osborne) et batterie (Ianto Kelly, le cousin de Aldous). Des platines jouées en direct pendant les concerts et qui sur disque apporte son lot d'interférences, de bruitage et de soutien sonore pas toujours très identifiable à la guitare déchaînée de Kelly. Car cette guitare, c'est la pièce maîtresse de The Stickmen. Sur une section rythmique simple, presque mécanique, Aldous Kelly mène le bal, tisse un jeu tour à tour sec, nerveux, noise ou psychédélique. Les morceaux peuvent autant ressembler à des flèches acérées qu'à des improvisations, des digressions de heavy rock'n'roll blues comme le décrit lui-même Aldous Kelly, à l'instar des morceaux Wired Wrong, On The March ou les ballades tordues et enfumées Ashtray et Youthful. Et surtout, malgré une remastérisation, cette musique est intemporelle et pourrait avoir été écrite aujourd'hui. Le meilleur album de 2013 paru en 1998.





Avec Man Made Stars et son beau vinyle bleu, The Stickmen continue son œuvre hanté en accentuant sa face psychédélique et l'onirisme tourmenté qui en découle. L'enregistrement est encore plus live (traduisez par vivant) que le premier album, Matt Greeves poursuit son travail de déstabilisation, la rythmique est hypnotique, quasi reléguée au second plan et la guitare d'Aldous Kelly regorge de plans diaboliques et de motifs obsédants. Les compos s'étirent, alternent entre lenteur vénéneuse, sombre mélancolie à la Lowercase, divagations fantomatiques et bruyantes, frénésie soudaine et paysages sonores magnétiques. L'impression plus d'une fois qu'ils sont en roue libre, lancés dans des jams lunaires mais gardant pourtant tout leur acuité et leur pertinence. Un second album qui met un peu plus de temps à atteindre sa cible mais qui se révèle tout aussi accrocheur, entêtant et indispensable que le premier avec des morceaux allant encore plus loin dans l'indicible. Magiquement bon.

Maintenant que le groupe est réactivé, The Stickmen n'exclut rien. L'écriture de nouveaux morceaux, puiser dans leur stock qui n'avait pas tout révéler ses secrets ou repartir à la retraite. Mais ils peuvent bien crever ou faire ce qu'ils veulent. Ces deux albums sont désormais là pour toujours. Et ils ne sont pas prêts de retomber dans l'anonymat.

SKX (13/01/2014)