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Massicot s/t LP Et Mon Cul C'est Du Tofu ?/Red Wig 2013 Je dois avouer que la première écoute de Massicot n'a pas soulevé un enthousiasme dingue. Faut dire que c'était de vulgaires Mp3 qui n'encouragent jamais à la persévérance. Depuis, je suis l'heureux propriétaire du vinyl. La raison de ce volte-face : un concert lors du Aïnu Festival le 26 septembre dernier à Montaigu. Je ne compte pas les concerts ayant servi de déclic, le plus mémorable restant sans nul doute celui de Neurosis à Poitiers à l'époque de Enemy of the Sun. Il y avait clairement eu un avant et un après, la compréhension d'une machine dont les rouages m'échappaient jusque là en face à face avec une galette noire tournant dans le vide, l'abstraction devenant chair et os, une émotion que tu te prenais en pleine gueule au devant d'une scène et qui se retranscrivait comme par magie sur disque, les deux étant devenus fondamentalement indissociables. Je n'en suis pas encore là avec le groupe de Genève Massicot. Les compositions ne brillent définitivement pas du même éclat que vous l'écoutiez sur un disque ou devant une scène. Il manque l'entrain naturel de la prestation, l'abrasion d'un son plus noisy, le relief des structures qui se démarquent et l'ampleur de morceaux se diffusant chaleureusement dans les guiboles en live, sans parler des sourires et des regards entendus entre les quatre protagonistes. Alors oui certes, tout ça est un peu plus terne, un peu moins bien sur disque mais cette mécanique dadaïste révèle peu à peu son charme grisant et tordu. Les structures prennent sens, la logique se met en place, l'absurde prend corps. Quatre filles qui font une musique bizarre et inclassable. On pourrait tenter de coller les étiquettes no-wave, post-punk mais c'est bien trop réducteur. Et faux. La musique de Massicot est avant tout une histoire de rythmes. Des rythmes sous toutes ses formes. La batterie, la guitare, la basse aussi grande qu'un jouet pour gosse et le violon. Jusqu'au chant. Parait-il que c'est du letton mais on me dirait que c'est du polonais ou du cornouaillais que ça serait pareil. Mais du français flotte aussi dans l'air même si on le comprend pas toujours clairement comme sur Espace Pro où on ne sait pas très bien si elle a perdu sa moustache ou sa moutarde ? Des mots qui sonnent comme des rythmes, des rythmes qui sonnent comme personne, une alchimie secrète et personnelle, structures répétitives, hypnotiques dans les meilleurs moments, un peu trop systématiques dans les moins bons et finissant par se ressembler mais qu'importe. Dans ce premier album de Massicot, les sept morceaux tournent à l'obsession, le violon tourne autour du tympan, dérange, gratte, la guitare bloque sur le même riff, la batterie rebondit sur les murs rappelant souvent le jeu de batterie de The Ex, jouant des histoires plus qu'elle ne tape, des mélodies se dégagent sur une corde de basse, Câbles t'en fait péter un de bonheur au bout de six minutes aussi ludiques que coupantes et des bouts de morceaux surgissent subitement pour éclairer un titre qui ne partait pas. Une musique compacte, minimale, quasi austère parfois, hermétique et bancale mais légère aussi, amusante, turbulente et qui au final, réussit le tour de force de provoquer la transe et le plaisir avec toutes les imperfections - heureuses imperfections qui s'y glissent. Un nouvel album est prévu pour début 2015. On attendra pas aussi longtemps pour en parler. SKX (13/11/2014) |