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Kruger
Adam & Steve – CD
Listenable records 2014

Avec leur bonne douzaine d’années d’existence, les suisses de Kruger font figurent de vétérans cinq albums au compteur, dont cet Adam & Steve, tout juste publié par Listenable. Kruger est surtout un cas à part dans la scène helvète – pas vraiment metalcore, pas vraiment post hardcore, pas punk hardcore pour deux sous et puis… et puis Kruger tire une bonne partie de son identité en composant solidement des mélodies imparables renforcées par des parties vocales très diversifiées et toujours volontaires. Trop de mélodies, disent cependant les détracteurs du groupe, celles et ceux qui préfèrent le gras et le suintant qui tachent. Kruger privilégie plutôt la puissance, l’ampleur, le grand écran et Adam & Steve continue d’aller de l’avant en ce qui concerne les obsessions du groupe en matière de gros son et de production ultra efficace et ourlée.
Pourtant l’album a été enregistré de façon parcellaire deux titres figuraient déjà sur un 10'' intitulé 333 et publié en 2013 par Pelagic records ; surtout les six autres titres ont été mis en boite par tronçons, la batterie enregistrée dans un studio à Fribourg, les guitares dans un local de répétition et les voix et la basse dans une cave à Lausanne (c’est en tous les cas ce que nous apprennent les notes du livret). L’un des artisans des prises de son n’est autre que Raph Bovey, le propre batteur de Kruger, alors que le mixage et le mastering ont eux été assurés par Magnus Lindberg de Cult Of Luna. Voilà sûrement l’explication de ce gros son en technicolor, mais ce n’est pas la seule Adam & Steve est dans tous les cas d’une unité confondante, rien ne semble avoir été laissé au hasard et tout est d’une lisibilité qui donne à la fois le tournis (c’est un vrai plaisir de suivre les lignes de basse) et envie de se plonger dans ce bouillonnement sonore aussi luxuriant qu’entrainant.
Le metal – c’est finalement la seule étiquette que l’on peut coller au groupe et c’est à prendre comme un compliment – de Kruger fourmille de déflagrations fulgurantes et tenaces tout en restant d’une grande pureté. Les compositions présentent toutes à leur manière une forme d’aboutissement, entre rage, maîtrise, technique, mélodies en avant (répétons-le) et noirceur opiniâtre. Evidemment les quelques parties de chant clair (toujours très bien senties), les refrains qui accrochent ou les chœurs vont en refroidir plus d’un mais Kruger n’a pas pour vocation de se complaire dans une posture qui distille le malaise et la souffrance. Au contraire, et c’est plutôt rare dans le genre, Adam & Steve me semble être non seulement un album de convictions mais surtout un album positif. C’est son allant et son enthousiasme qui au final rallient tous les suffrages.
Un dernier mot sur l’artwork du disque. La version vinyle (rouge) d’Adam & Steve est publiée par Pelagic records. La version CD chez Listenable est quant à elle étonnante le digipak est caché dans un fourreau qui représente une pomme noire sur fond gris foncé. Lorsqu’on enlève le fourreau, on découvre la même pomme mais en rouge et sur fond blanc. L’intérieur du digipak révèle une flèche transperçant le CD comme les flèches de Cupidon transpercent les cœurs des amoureux transis l’ironie sarcastique du titre du disque (à l’origine un slogan chrétien homophobe aux États-Unis et ici détourné) n’en prend que plus d’ampleur. Tout comme ce disque qui grandit à chacune de ses écoutes.

Hazam (04/11/2014)