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Joeyfat
Suit of Lights - 2xLPs+CD+DVD
Unlabel 2014

Onze ans. C'est le nombre d'années qu'aura mis Joeyfat pour donner une suite à The House of the Fat. Un album annoncé au départ pour 2010 mais il aura fallu quatre années supplémentaires à ces cochons d'Anglais dont la notion du temps est très différente du commun des mortels. Pensez-donc ! Leurs premiers émois remontent à 1991. Leur premier album à 2003. Vous ajoutez deux compilations de singles et raretés et vous obtenez l'ensemble de leur œuvre.
Un groupe mystérieux. Seules quelques bribes d'infos ont filtré jusqu'ici. Originaire de Royal Tunbridge Wells dans le sud de l'Angleterre, Joeyfat a connu son heure de gloire aux débuts des années 90, a tourné avec Green Day ou Jawbox, a été approché par quelques majors mais n'a jamais voulu manger de ce pain là et a fini par disparaître en 1996. Avant de refaire surface en même temps que le nouveau siècle. Et ce dont je ne me doutais pas du tout, c'est qu'ils étaient aussi nombreux. Dans cette vidéo récemment découverte, j'ai compté sept personnes sur scène ! Et franchement, ça ne s'entend pas sur disque. Par contre, tout le monde s'accorde pour dire que la musique de Joeyfat ne ressemble à rien de connu. J'ai bien lu le commentaire d'une personne qui disait que ça serait la musique que Enablers feraient s'ils étaient anglais. Je dis pourquoi pas mais c'est tellement éloigné de la vérité. Une vérité que je suis de toute façon également incapable d'approcher.
Il va donc falloir s'autociter et se demander, comme pour The House of the Flat, comment on va bien pouvoir parler de Suit of Lights. C'est même encore pire. Car Joeyfat a sorti le grand jeu. Un double album, une heure de musique, 17 titres et autant de possibilités pour encore plus brouiller les pistes. Comprenez que Joeyfat n'a jamais été aussi varié tout en restant Joeyfat, jamais aussi riche et dense, jamais aussi bon et passionnant de bout en bout. Vous avez le Joeyfat - disons plus classique - celui des trois premiers morceaux par exemple (G.A.L.A.X.Y., It Came From Round The Mountain When It Came et Domestique ou encore D'ye Ken sur la face D). Un genre de post-punk (faute de trouver mieux) coupant, nerveux et intense, cordes en son clair où il est difficile d'imaginer qu'ils sont au moins trois guitares et deux basses là-dedans. Avec en prime, le chant entre spoken words et rage intériorisée donnant encore plus de relief et de cœur à Joeyfat. Un chant qui mène le bal et se révélant toujours aussi prenant. Mais Joeyfat, ce sont aussi des compos plus introspectives comme le magnifique Candy, 19, From Copenhague. Des morceaux entre deux eaux, mélodiques mais sans jamais se départir d'une intensité les suivant comme un fil rouge. Des morceaux teintés d'electro et d'arrangements subtils avec piano, violon ou synthé et le détail qui tue. Par milliers. Des morceaux qui ne touchent pas terre, incertains, hypnotisants. Et sans cesse en toile de fond, cette ombre unique qui fait que Joeyfat est Joeyfat. Une alchimie secrète, un charme impénétrable, un sens du songwriting transformant le banal en saisissant. Un groupe hors du temps et hors des modes. Un groupe qui ne la ramène pas mais s'imposant de lui-même, en douceur, sûr de sa force. Un disque qui ne fera rien de plus pour la gloire de Joeyfat mais qui n'a pas fini de me poursuivre.

SKX (29/05/2014)

P.S. : La seule chose en trop, c'est le DVD. Alors que je pensais en apprendre plus sur le groupe, sur qui fait quoi et mettre des visages sur ces inconnus, le DVD se révèle être qu'une mise en images laborieuse de la musique. Un film de vacances puéril à une époque où Pompidou devait être encore en vie superposé avec un film plus actuel de ruines industrielles et de quelques images du groupe déchargeant du matériel avant un concert et la musique défilant dans le même ordre que l'album en guise de fond sonore. Une heure de ce régime, c'est long et la touche avance rapide a fonctionné à plein régime.