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Fange
Poisse – 12’
Basement Apes/Gheea Music/Lost Pilgrims/Ulterior 2014
La musique
de Fange porte particulièrement bien son nom : sale, grasse, puante,
glauque, malsaine, malade, mouvante, tourmentée, sanglante, violente,
dangereuse, mortelle – les qualificatifs finissent par me manquer.
Tout le monde sait bien que le terme anglais/américain de «
sludge » se traduit basiquement dans la langue de Bernard-Henri
Levy et d’Alain Minc par celui de « boue » ; mais s’il
fallait vraiment trouver une traduction appropriée à ce
qui désigne surtout cet antique et vénéré
sous-genre du metal/hardcore underground qu’est le sludge, je choisirais
également et sans hésiter ce mot, fortement évocateur
et effectivement synonyme, de fange.
Alors, sommes-nous en 1991, du côté de la Caroline du Nord
ou de la Nouvelle Orléans ? Pas du tout. Fange s’est formé
début 2013, est basé à Rennes (France, une ville
plutôt connue pour être la capitale internationale du noise-rock)
et comporte dans ses rangs un membre de Huata, soit l’un des groupes
les plus intéressants à être apparu ces dernières
années en matière de doom obscurantiste et axé sur
le cérémonial et le psychédélisme. Mais cessons
là les comparaisons puisque Fange se démarque et s’affirme
très fortement avec Poisse, un premier mini album de six
titres qui détaille par le menu toutes les façons de faire
frire dans un bouillon nauséabond ses propres pulsions de mort
et autodestructrices. Les paroles (en français) ne sont pas jolies-jolies
et collent parfaitement à une musique qui évoque au mieux
le pire des cauchemars.
Un cauchemar de saturation, de larsens, de hurlements de bête, de
rythmes martelés et de grésillements. Fange avec son line-up
inhabituel – guitare/batterie/voix + effets et textures sonores –
semble vouloir pousser l’aiguille aussi loin dans le rouge que le
vice et la colère peuvent le lui permettre. Un réel déchainement
chaotique et psychopathe qui peut lorgner sur le bruitisme (le groupe
n’hésite pas lui à parler de harsh sludge même
si on reste ici très éloigné de toutes ces saloperies
à la Merzbow / CCCC / Incapacitants / Hijokaidan / etc.) mais garde
les pieds bien rivés dans les feux de l’enfer et ses principes
de base métalliques. Ainsi la lourdeur reptilienne d’un Grêle
Molle et d’un Cloches Fendues est un pur délice
tandis que les accélérations/décélérations
d’Ammoniac évoquent ce bon vieux death’n’roll
d’Entombed, groupe que Fange se plait également à citer.
Et voilà une mixture qui fonctionne très bien, Fange réussissant
à calibrer son metal cadavérique et ses abatis sonores juste
à la frontière entre l’étourdissement et l’innommable.
Une bonne façon également de remettre les pendules à
l’heure et d’écraser les apprentis cafards qui pullulent
actuellement dans le metal : la deuxième face du disque n’en
finit pas de nous faire souffrir, le long déchainement de haine
visqueuse de Suaire étant directement relié au coup
de grâce de Lucifour par un intermède à base de textures
sonores et de voix samplées. Avec Poisse, tu peux être
sûr de passer le pire moment de tes rêves. Et heureusement
pour toi que ce n’est qu’un mini album.
Hazam (11/11/2014)
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