dertanz
Dertanz
Vatta - CD
Self-released 2014

C'est pas tous les jours qu'un disque en provenance de Hongrie est chroniqué. Mis à part Kampec Dolores et Trottel - ce qui ne nous rajeunit pas ! - j'avoue mon ignorance de la scène locale. Dertanz est un trio basse, batterie et chant. La formule a l'air toute simple mais ce que Dertanz en fait l'est beaucoup moins. Le groupe de Budapest ne cherche pas à confectionner des morceaux avec un début et une fin, même pas la peine de prononcer les termes couplet et refrain, c'est banni de leur vocabulaire. Dertanz avance sur un fil rugueux, minimaliste, éclaté, libre d'aller où bon leur semble, entre improvisation (ou ce qu'il semble l'être) et bouffées de pression, entre incertitudes rythmiques et brusques uppercuts. Et une bonne dose d'absurde et de second degré. Car quand un disque commençant sur Bees and Flies par les paroles de I Wanted to paint a bee but it became a fly ou plus loin, sur Yoga, I Love you more than myself, I practise yoga, il ne faut pas s'attendre à quelquechose de très cartésien. Dertanz ne pratique donc pas le rock à quatre temps mais un sinueux et abrupte chemin, un disque narratif déployant une histoire très étrange plutôt que l'addition de morceaux mis bout à bout. Le chant théâtralisé vit chacune des syllabes d'une voix grave et charismatique, entre puissantes déclamations, chant parlé, murmures et éructations punk, pouvant aussi devenir subitement mélodique (The Ghost) ou se prendre pour un cador du swing sur Elvis Left The Building. Ce mec est en roue libre. La basse et la batterie suivent le mouvement. Un son de basse qui peut être méchamment noise, ainsi que son jeu mais il peut aussi gratter les cordes, en tirer des couinements, jouer une note toutes les vingt secondes tout comme la batterie dont la notion de rythme est très personnel et aléatoire. Progression free, ruades punk, parpaings dans la tronche, joutes rythmiques aussi brèves que violentes, quelques bouts d’électroniques par un quatrième larron de studio, Vatta avance cahin-caha, avec des moments de flottement, des passages ésotériques où l'attention se délite. Mais pris dans son intégralité, Vatta se tient et n'est pas qu'un disque exotique mais une manifestation originale et parfois réussie d'un groupe ne suivant aucun courant particulier sinon celui qui agite leurs neurones et leur imagination leur dictant de n'écouter qu'eux mêmes.

SKX (03/12/2014)