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Child Abuse
Trouble in Paradise - LP
Skin Graft 2014

Dans une interview remontant à 2009, Luke Calzonetti parlait de l'origine du nom de leur groupe qui pourrait heurter les plus sensibles. Le batteur Oran Canfield jouait sur une toute petite batterie et Calzonetti jouait sur petit synthé Casio merdique. Comme des jouets de gosses sur lesquels ils tapaient comme des malades ou des sales mioches si vous préférez, heureux de faire le plus de bordel possible sans se soucier d'une quelconque musicalité. Child Abuse de nos nerfs et de la patience de leurs aimables parents, insupportables gamins qui n'en font rien qu'à casser les oreilles de tout le monde. Forcément, leur patronyme n'a pas été tout à fait compris dans ce sens là.
Depuis, Luke Calzonetti est parti en 2011 et a été remplacé par Eric Lau et les gamins ont grandi. Mais ce sens du bordel, taper sur le système de son entourage grâce - ou à cause, c'est selon - d'une musique répétitive, hyper convulsive et dérangée du bulbe pour le commun des mortels, ça reste leur credo de base. Alors certes, Child Abuse a amélioré la formule. Les compositions se sont rallongées depuis leur premier album en 2007, les instruments ne sont plus aussi petits, l'architecture de leur chaos est plus finement élaborée mais Child Abuse reste ce rude feu d'artifice complexe mais jamais dénoué d'un second degré ludique. A condition d'avoir un sens de l'humour merdique bien sûr.
Le changement de personnel au chant et synthé n'a pas affecté le jeu de Child Abuse. De Cut and Run en 2010 à Trouble in Paradise en 2014, Child Abuse continue de tout éclater sur son passage. Le noise-rock, le jazz, le grind, l'electro, tout le monde en prend pour son grade, dans un grand élan avant-gardiste, qualificatif que l'on sort de sa manche quand on se retrouve nez à nez avec ce qui dépasse notre pauvre entendement de terrien. Le chant d'Eric Lau n'a rien à envier à celui de Calzonetti dans le grondement robotique et le grind détourné et vomi. Il prend également les touches de son clavier pour la tête de son patron, tapant dessus avec sauvagerie et lui arrachant de stridentes sonorités et de longs miaulement de terreur.
Quant au couple batterie/basse (Oran Canfield/Tim Dahl), les ravages dans leurs cerveaux sont irrémédiables et ils nous font le plaisir de partager ces incroyables moments de secousses telluriques dans un furieux élan de générosité, hachant menu-menu ton reste de lucidité. Ça frappe à toutes les hauteurs, aucunes parties du corps ne sont épargnées, grande explosion millimétrée passant pour une anarchie totale, précision du geste finale, rafales jouissives de la batterie, saccades monstrueuses, interactions aveuglantes de la section rythmique, ne plus réfléchir et se laisser emporter. Comme pour Cut and Run, six titres suffisent à rendre dingue et accro. D'ailleurs, si vous avez adoré Cut and Run, vous adorerez Trouble in Paradise, c'est quasi tout pareil et c'est bien là le seul petit reproche qu'on pourrait adresser à cet album. Le reste n'est que feu d'artifice.

SKX (19/11/2014)