skrammel

Brainbombs
Disposal of a Dead Body - 2xLPs
Skrammel 2013

Je ne suis pas le plus grand spécialiste mondial des Brainbombs. Deux, trois disques qui traînent à la maison dont le premier en 1992, Burning Hell, la version originale sur Blackjack records qui coûte désormais dix minutes du salaire mensuel de Franck Ribéry. Car Brainbombs a atteint le statut à la con de groupe culte et aucuns de leurs albums ou singles ne se trouvent dans les bacs à solde. Des disques que j'écoute rarement mais qui font toujours leur effet quand je les pose sur la platine. En même temps, c'est un peu, beaucoup, toujours la même chose un disque des suédois de Brainbombs. C'est peut-être pas utile de tous les avoir. Punk-noise stoogien minimaliste, répétitif, crasseux et dont l'aura malsaine qu'il traîne doit énormément aux paroles de Peter Raberg. Le meurtre, le meurtre de masse, la torture, la soumission, le viol des femmes ou des enfants, les blasphèmes, la baise brutale, les pieux dans le ventre et l'amour en chaussettes, tout ça raconté à la première personne du singulier dans un langage hyper cru, ça de quoi choquer la bourgeoise et pas que. Mais c'est tellement énorme que je n'ai jamais réussi à prendre leur délire au sérieux et ils m'ont l'air bien plus malins que les dégénérés pour lesquels ils essayent de se faire passer. De la provoc' et du quatrième degré, juste pour faire chier car comme ils disent, et je les crois plus volontiers : on en a rien à foutre si tu aimes notre musique, on en a rien à foutre si tu n'aimes pas et on en a rien à foutre si toi aussi tu t'en tapes.
Bref, c'est la grande partouze générale et Disposal of a Dead Body, l'occasion de remettre le couvercle. Je croyais le groupe mort et enterré depuis 2008 et l'album Fucking Mess avec des membres éparpillés dans d'autres projets dont No Balls et strictement plus aucunes nouvelles depuis. Renseignements pris, les 24 morceaux de ce double album ont été écrits entre 2009 et 2011. Ça sent les fonds de tiroirs pour faire cracher l'honnête contribuable sauf que chez Brainbombs, les fonds de tiroirs puent moins du bec que leur propos.
Disposal of a Dead Body, c'est tout Brainbombs en un seul album. Le meilleur y côtoie le moins meilleur, les idées lumineuses et le pilotage automatique. Raberg resitue tout de suite le contexte en déclarant sur le premier morceau en guise de paroles de bienvenue Can you see the monster in me avant d’enchaîner à la fin du second titre Don't Go Near The River par I kill them all and fuck you all, où t’entends presque les postillons quand il te crache ça à la gueule. C'est donc du Brainbombs... tout craché.
De sales couches de saturation, des morceaux primitifs, un seul riff par titre et encore, tu jurerais entendre ce précieux riff se répercuter sur plusieurs titres. C'est ça l'effet Brainbombs, l'hypnose par les bas-fonds, la tension qui se génère à force de répétitions, le cyclique usant, l'envie de hurler avec les loups, de tous les tuer, le moins que rien élevé au rang d'art animal, se vider la tête sans réfléchir, les couilles aussi si tu veux. Sur l'ensemble des face A et B, Brainbombs montre qu'il n'a pas perdu ni son savoir-faire ni son venin ni son putain de sens du riff qui scotche ou qui part en vrille, amenant ses morceaux dans des territoires dangereusement touffus comme le fond d'un bois la nuit. Tripant.
La trompette agonisante est toujours là, le riff de I.N.R.I. fait bizarrement penser à du Unsane, une guitare cisaille pendant que l'autre ponce (Glu style), le rythme est inoxydable, pouvant passer de faussement lancinant à engluant comme sur Better Rule in Hell donnant l'impression de tomber au ralenti dans une marée de merde. Mais c'est quand il va de l'avant, qu'il est soutenu ou qu'il accélère que Brainbombs prend de la méchante ampleur comme sur Kill Them All ou le terrible instrumental Agony. La wah-wah (et son abus) sont aussi de sortie, le punk-noise se barre parfois dans un psychédélisme fumeux, à la fureur opiacée, au chaos qui part dans le caniveau. Jusqu'à terminer par la face D comme dispensable et délavée. Plus Flipper qu'un Flipper mort. Le bout de la course, le fond du fond d'un tiroir qu'il aurait été nécessaire de fermer plus tôt. Parce que plus d'une heure de Brainbombs, c'est pas raisonnable. J'ai testé pour vous. Mes gosses me regardaient curieusement après. C'est forcément trop, l'intérêt se dilue mais faut quand même admettre, les retraités ont la niac et les crocs acérés, signant un retour quasi inespéré et juteux comme au premier jour.

SKX (29/04/2014)