bone
tenzenmen


Bone
For Want Of Feeling - LP
Tenzenmen 2013

Bone comme os. Et près de l'os, la musique des Australiens l'est sans conteste. Une marque de fabrique. Squelette noise-rock, sec, répétitif, limite austère parfois. Mais c'est pour mieux vous hypnotiser. Un faux rythme lent qui s'installe, une tension dans la pénombre, des riffs longs et cette voix oscillant entre urgence et désespoir. Une rengaine qui prend douloureusement forme, un nihilisme, un refus de combattre et comme un corps tentant de s'échapper à une suffocation lente. Le groupe déclare que sa plus grande influence a été la dépression. A l'orée du bois dans la rosée du matin, la frêle princesse aperçut à la plus belle branche du gros chêne son prince charmant pendu et dévoré par les bêtes. Mais Bone, c'est un assemblage solide et souple à la fois, avec de l'espace pour que les articulations fonctionnent parfaitement. Et une enveloppe sonore profonde et chaleureuse, une batterie qui sonne de feu de Dieu. Après Perfect, un titre introductif instrumental promettant un suicide collectif pour un sorte de doom en mode noise-rock et Pedestal, qui n'est pas un terme homophobe mais six minutes vertigineuses du haut desquelles on va achever ce qui ont échappé au suicide précité, l'auditeur téméraire sent bien qu'il a mis les pieds dans un monde qui va ruiner ces derniers espoirs d'employés laborieux au service d'une élite opulente. Ça sent le dégoût et l'abandon mais ces morceaux possèdent surtout une furieuse odeur aliénante, comme un Slint des terres australes. Une influence tellement bien digérée qu'elle éclabousse partout de son talent insolent. Et quand à partir du troisième morceau, Ropes, Bone enclenche la vitesse supérieure avec un surplus de hargne, For Want of Feeling devient un disque à part et terriblement addictif. Bone n'ajoute jamais le riff de trop, c'est à l'économie, le roulement de tambours est parfaitement dosé, la tension monte d'un cran sans jamais exploser et la rage suintante du chant prend encore plus aux tripes. La suite confirme qu'on est pas prêt d'enlever la corde de son cou. See The Boy, encore meilleur et titre le plus enlevé. Les sept minutes de Bucket rappelant les territoires anciens des Gordons dans sa lente procession rugueuse. Le percutant Moot dont chaque coup de baguette fait claquer les os et No Seed, froidement beau. Il faut attendre la dernière compo, Bath Time, pour mettre une fin à nos ardeurs avec un groupe qui abuse un poil trop de répétitivité sur la moitié des huit minutes (mais les quatre autres d'avant valent le coup). Mais même là, on suit sans broncher. For Want Of Feeling, c'est le disque que My Disco aurait pu faire après Language of Numbers au lieu de se fourvoyer dans un vide insondable. C'est surtout la confirmation, après un Face Prison prometteur en 2011 et réalisé à très peu d'exemplaires en Cdrs, que Bone est un cadeau unique et empoisonné des Antipodes et qu'on ne va rien faire pour s'en purger. Grande classe.

SKX (18/03/2014)