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Xiu
Xiu + Eugene S. Robinson
Sal Mineo - LP
Aagoo 2013
Deux belles
bêtes, chacun dans leur style. Jamie Stewart, la tête pensante
de Xiu Xiu et prince unique d'une pop sombre, extravagante et génialement
bricolée. Eugene S. Robinson, voix, muscles et charisme tout aussi
singulier de Oxbow. Un blond à mèche contre un black en
pétard. Télescopage d'étincelles avec en commutateur
commun, le désir d'aller toujours de l'avant, expérimenter,
fouiller, quitte à se viander mais remettre sans cesse en cause
les acquis.
La rencontre avait déjà eu lieu en 2006 sur Juarez,
morceau d'un split single avec The Dead Science. Et l'essai avait été
fumant.
Les deux se retrouvent sur le terrain de Sal Mineo, célèbre
acteur américain cité aux Oscars dans La Fureur de vivre,
qui n'avait pas hésité à faire son coming out tôt
dans sa carrière et mort assassiné en 1976 par un junkie
en mal de liquidités. Une vraie aubaine pour Stewart et Robinson,
un sujet retors comme ils les aiment. Sauf que je ne pige rien à
l'anglais et, vu d'ici, c'est-à-dire pas très loin, les
paroles de Robinson sont un élément central pour pleinement
apprécier ce projet. C'est ballot. Mais comme ce disque tombe en
pleine lecture de Paternostra, soit la traduction française
et récente de A Long Slow Screw, le roman noir de Eugene
Robinson paru en 2009, la description des bas-fonds new-yorkais et sa
vermine grouillante colle à merveille avec l'ambiance de cet étrange
album. Alors pour les paroles, on va faire comme si, on va se jouer son
propre film. Et ça tombe bien puisque Sal Mineo, c'est plus
une bande-son qu'un album. Une musique pour se fabriquer ses propres images,
pour peu qu'on soit d'humeur.
Vingt-trois piécettes s'écoutant comme un seul long titre
erratique. Des poignées de morceaux ne dépassant pas la
minute, des compos fugaces, des bourdonnements passagers, stressants et
des agonies dépassant rarement les trois minutes. Si la collaboration
entre Stewart et Robinson peut être décrite comme le parfait
point de rencontre entre l'univers de Xiu Xiu et les jérémiades
du chanteur d'Oxbow, il faut avant tout souligner l'extrême sobriété
de Stewart. Affairé devant ses synthés et son bricolage
maison rempli de fils rouges, de fils verts, de samplers et d'effets électroniques,
Stewart a opté pour l'économie. Il laisse le champ/chant
libre pour Robinson et ses chuchotements, les cris contrôlés,
la pression venimeuse et sous-jacente, les pleurnicheries, les dédoublements
de voix et le sens de la narration toujours aussi inimitable de Robinson.
Pas d'enluminures excessives, de rythmes rococo ou pseudo dansants pour
la simple et bonne raison que de rythmes, il n'y en a pas. Pas au sens
strict du terme en tout cas. Des paysages sonores de désolation.
C'est souvent rude, décousu, abstrait et parfois poignant comme
sur The Primary Bell, titre d'ouverture annonçant la couleur
d'une suite qui ne va pas laisser indifférent. Pour le meilleur
et pour le pire. La voix se heurte, s'infiltre, prend le dessus, s'efface
devant des cris de basse-cour, de miaulements, des clochettes, une multitude
de sonorités inconnues en mode sourdine, des vibrations, des chuintements
ou de la profondeur de synthés, des drones de lamentation, accompagne
à en chialer une discrète guitare acoustique, prend la tangente
d'une musique concrète et se rattrape à une mélodie
aussi brève que soudaine ou des fulgurances lumineuses.
Stewart et Robinson étirent le fil d'une histoire tour à
tour prenante, déstabilisante, éreintante. On se dit plus
d'une fois que les images manquent mais ce sont surtout les mots pour
parler d'un disque insondable, qui peut paraître difficile d'accès
mais vous parlant au creux de l'oreille et au final, brutalement beau.
SKX (17/04/2013)
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