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Swans
The Seer - 3xLPs
Young God 2012

La vie après la mort. Swans are not dead. The Seer est le deuxième album de la deuxième vie des Swans et la troupe de Michael Gira se porte à merveille. Pensez donc ! Un triple album ! Deux bonnes heures de musique que Gira décrit comme ayant mis 30 ans à faire, la somme et le sommet de tout ce qu'il a pu composer, soit un album qu'il porte en lui depuis Filth en 1983, premier d'une longue série. Autrement dit, le meilleur album des Swans à ce jour, déclaration que font tous les groupes à propos de leur petit dernier. Je ne vais donc pas le contredire. Du haut de ses 59 ans, Gira a toujours l'air un peu timbré.
Cependant, la somme de 30 ans de labeur, c'est long. Très très long. Et c'est là le principal défaut de The Seer. Tutoyer les anges et maintenir l'intérêt pendant tout ce temps qui aurait permis à Melt-Banana d'écrire dix-huit albums, c'est comme mater un film de Tarkovski, c'est une lutte perdue d'avance. Je ne sais pas quelle mouche a piqué Gira. Diviser par deux la durée de The Seer aurait été plus vivable. Au lieu de ça, il nous sert un disque à l'image de sa démesure, avec tout ses excès et ses poncifs. Et ses fulgurants traits de lumière au milieu de son aura sombre. En cela, The Seer est bien un disque représentant ses 30 années de carrière. Pour le meilleur et pour le pire. Swans et The Angels of Light compris.
Du coup, l'enthousiasme né de l'album du retour retombe. Mais il serait dommage d'enterrer ce disque sous le seul prétexte d'une luxuriance de musique à une époque où il est vrai, ce genre de triple album quasi conceptuel apparaît comme anachronique. Abandonne le mode shuffle de ton lecteur mp3 et concentre toi un peu.
Pour ça, le vinyle aide énormément. Etre obligé de se lever à chaque fin de face, tourner et retourner l'objet dans ses mains, le soupeser, le détailler, c'est prendre son temps, faire le lien et respirer entre les morceaux, c'est comme écouter trois albums en un, l'écouter en plusieurs fois, ça aide à la compréhension, à prendre la dimension d'un tel disque et digérer la pilule.
Et puis ça pas dû être un jeu d'enfant pour caser tous ces morceaux à rallonge sur des faces de vinyles qui elles, ne sont pas à rallonge. The Seer version LP se retrouve donc avec un tracklisting très différent du CD. Et des compos coupées en deux. The Apostate, en dernière position sur CD, est positionné dès le début du vinyle et est affublé de Part I et Part II puisque partagé entre la face 1 et la face 2. Idem pour A Piece of the Sky entre la face 2 et la face 3. Quant aux 32 minutes de The Seer, le morceau occupe quasi tout le troisième disque entre la face 5 et 6. Un vrai tétris.
Tout comme composer, étirer, délayer, couper, mixer ces pièces quasi symphoniques n'a pas dû être chose aisée. Une symphonie de douleur, de bruit brut et blanc, de lyrisme, d'apesanteur, d'incroyable beauté, de chaos strident, de grands moments d'adrénaline, de montées en puissance à faire flipper, de mantras obsédants, des violons, des percussions, du piano, du cuivre et même un brin de cornemuse, toujours fondu dans le paysage et orchestré de main de maitre, en gardant à l'esprit que, ici, ce sont les Swans, ça ne rigole pas et il ne faut pas trop en faire dans des arrangements baroques. Sorte de face nord, ténébreuse et messianique de son pote Jim Thirlwell, alias Foetus.
Lunacy, Apostate, 93 Ave. B Blues ou le péplum The Seer et sa prolongation The Seer Returns, vous me compilez ça sur un seul disque et c'était quasi l'album parfait. Mais The Seer, ce sont aussi des folkleries rimant avec clowneries. Song for a Warrior avec Karen O des Yeah Yeah Yeahs, toujours dans les mauvais coups. The Daughter Brings the Water, toute la deuxième partie de A Piece of the Sky malgré le feu crépitant du début et en général, quand trop d'acoustique et de mignardises viennent entacher la force du propos.
Propos soutenus par les acolytes habituels obéissant à Michael Gira (en tête, Norman Westberg et Phil Puleo), des tonnes d'invités (dont le retour de la maîtresse Jarboe et des anciens Angels of Light) et une pochette étrange dessinée par Simon Henwood. Quelle drôle d'idée de représenter les terribles Swans par un immonde petit bâtard court sur patte qu'on a envie d'écraser sous la semelle de ses godasses, tout en l'affublant de la dentition de Gira. Au verso de la pochette, c'est l'envers du décor. Un magnifique anus du meilleur goût dont l'artiste ne mentionne pas cette fois-ci, si de la bête ou de l'homme, il s'est inspiré. Appelons ça le délire de l'artiste. Et n'y voyons là aucune métaphore déplacée car assurément, Michael Gira n'en est pas un.
Lui et sa bande ont accouché d'une oeuvre dense, ambitieuse, forcément inégale, qui ne finira jamais de dévoiler ses mystères, fourmillant de détails à découvrir à chaque nouvelle écoute. Vous feriez bien de vous y mettre dès maintenant.

SKX (11/03/2013)