ovo
supernaturalcat











Ovo
Abisso - LP
Supernatural Cat 2013

Se confronter à un nouvel album du duo italien Ovo n'est jamais une sinécure. T'as autant envie d'y aller que chez le dentiste mais il faut se plier à la grande volonté du destin et tu aimes porter ta croix. Sans compter que t'as pas envie de puer de la gueule. Et assurément, l'écoute d'Ovo est bon pour l'hygiène buccale, souffle aussi aventureux que risqué au pays capitulant à toute espèce de classification. Stefania Pedretti et Bruno Dorella se jouent des genres et ont derrière eux une tripotée d'albums, de singles, de splits, de collaborations et autres disques de remix dont vous pouvez lire un petit florilège sur cette page.
Bizarrement, le précédent album Cor Corduim était passé à travers les mailles du filet. Ou alors le courage et un déni d'hygiène avaient manqué. C'est donc avec une grande fraîcheur que j'aborde le monde irréel à l'aura sans cesse mystique, incantatoire et frappée du bulbe de Ovo. Et ça marche. Ovo signe son disque le plus convaincant de sa longue discographie entamée en 2002. Le plus gros problème des albums de Ovo jusque là, c'était les trous d'air, tenir la distance. Dans leur volonté expérimentale, leur désir de malmener le quidam et proposer d'autres issues de secours, un album d'Ovo pouvait tomber dans la langueur monotone d'un bruit facile qui dure des plombes, de grands moments de flottements et un sentiment de solitude accrue synonyme de traversée du désert où tu te demandais ce que tu foutais là à écouter ces couinements en détresse.
Avec Abisso, le duo gère parfaitement les fulgurances noise et les passages ambiants, l'approche rock parfaitement intégrée à la face recherche & destruction des repères, à moins que ce soit le contraire. Car Abisso est plus charpenté que d'habitude, plus consistant. Le son s'est enrichi, épaissi avec des samples, synthés & électroniques diverses dont des pads que Dorella se fait un malin plaisir de coupler à son habituelle batterie minimaliste sur laquelle il tape comme s'il était à un concert de metal à Wembley. Vous avez donc des morceaux qui charcutent tout sur leur passage comme I Cannibali, de la transe africaine d'un sale vaudou urbain (Tokoloshi et Ab Uno) ou une collaboration fructueuse avec Alan Dublin, ex-Khanate et autre spécialiste de la torture vocale, sur le magistral A Dream Within A Dream. Et quand Ovo se barre dans un monde parallèle, c'est à dire pratiquement tout le temps, Ovo ne s'y perd plus. Fini les flottements et la solitude. Ovo maîtrise parfaitement ses échappées bruitistes prenantes, ses atmosphères de l'au-delà remplies de succubes volantes et de gouffres sans fond. La basse de Pedretti est un char d'assaut à une seule corde, sa guitare inquiète et son chant est toujours aussi sidérant que varié, un truc de dingue qu'elle est sûrement.
L'osmose est idéale, Ovo est encore plus habité, angoissant et malsain, s'est construit des compos paranoïaques se traversant comme un long tunnel noir et truand, des faiseurs de bruit inspirés trouvant un champ de profondeur et de folie auquel on croit et adhère désormais sans concession. Pour couronner le tout, Ovo collabore également avec Carla Bozulich et son orchestre Evangelista sur Fly Little Demon. Pièce maîtresse évoquant In Animal Tongue dans le trouble puissant et la violence latente que ce morceau dégage et l'évidence que les chants de Bozulich et Pedretti étaient faits pour se mélanger, se pénétrer et nous broyer. Et quand vous croyez que tout est fini, un ultime titre caché porte le coup fatal car il a consisté à, littéralement, mettre un micro dans la gueule de 64348 cochons, les envoyer à l'abattoir et lui donner le nom de Fame.
Ovo ne rencontrera sûrement pas la gloire avec Abisso mais c'est pourtant une merveilleuse pièce de choix dans le monde des musiques extrêmes et inclassables et se savourant comme un disque de rock car à la base, il s'agit toujours de ça.

SKX (07/11/2013)