Melt-Banana
A-Zap

Melt-Banana
Fetch - LP
A-Zap 2013

Le cyclone Melt-Banana n'était pas apparu sur les écrans radars depuis 2007 et l'album Bambi's Dilemma. Vingt ans après leurs débuts et un terrible tsunami plus tard, les Japonais de Melt-Banana sont toujours présents dans le paysage avec Fetch, leur septième album. N'ayant pas souffert physiquement de la catastrophe de 2011, Yakuso la chanteuse avoue tout de même (dans les nombreuses interviews disséminées sur la toile) qu'elle n'était plus là-même après cet événement (qui est arrivé alors qu'elle se rendait à un concert des Melvins) et que le guitariste Agata ne pouvait plus se concentrer et enregistrer de la musique pour des raisons qu'il ne s'expliquait pas (son appartement à Tokyo a tout de même subi de sérieux dégats suite au tremblement de terre). Une névrose que l'on peut interpréter jusqu'à la pochette de Fetch et ces monstres fluides prêts à vous submerger.
Mais la vrai vague de changement, c'est que Melt-Banana ne sont plus que deux. Yakuso et Agata ont toujours été les deux têtes pensantes du groupe mais désormais, exit Rita et sa basse plus grande qu'elle, exit les nombreux batteurs interchangeables. La section rythmique, c'est du 100% synthétique et c'est ainsi que Melt-Banana se produit désormais en concert. Notamment pour le ATP festival pour lequel Steve Albini les avait invité, ce qui, aux dires du duo, l'a motivé pour continuer alors qu'il pensait définitivement arrêter l'aventure l'été dernier.
Fetch
est donc un long aboutissement dont la composition a débuté en 2010, entre quelques secousses et une remise en cause en tant que groupe. Pour autant, la touche Melt-Banana est identifiable dès les premières mesures dévergondées de Fetch. Mélange unique de trépidances convulsives, de trash coloré et de mélodies sucrées, de millions de bruits fourmillants sous l'épiderme se confrontant à la voix affriolante d’héroïne de manga, de punk cyborg survitaminé à la pointe d'une technologie prenant une place de plus en plus importante dans la musique de Melt-Banana. A tel point qu'on ne sait plus si c'est de la guitare ou du synthé, ce qui vient de l'organique ou de l'ordinateur.

I used guitar at first for most of those usual songs on the Bambi album and it was opposite to Cell-Scape. I wrote bass or drums at first for the most of the songs when I wrote tracks for Cell-Scape. And for Fetch, there were layers of effects and sounds at first, by which I mean a lot of small guitar sound pieces. And then, I tried to find sound that I wanted in there, listening to them carefully and recording or programming them (Decibel, 24 octobre 2013).

Agata programs drums and bass with a computer. As for vocal and guitar, we go to a studio and record our own parts. And then, we bring the sounds back to home and mix them (Yakuso).

Le résultat, c'est qu'on s'en tape en fait de savoir d'où tout ça vient, même si ça résulte d'un gros boulot de studio et des heures et des heures rivées devant un ordi, parce que ça gicle et ça fait du bien. C'est un peu perturbant au début, comme un produit de synthèse, un son ayant subi de multiples transformations, une caisse claire sonnant plus vrai que nature, des couches et des couches de bruits non-identifiés, des myriades de flèches pointues, des enregistrements en pleine nature d'animaux dont Agata parsème le disque (comme à la fin de Zero +), des subterfuges tirés de ses impressionnantes pédales d'effets et des idées qui fusent de partout.
Mais à l'arrivée, Melt-Banana n'a pas oublié de composer de vrais morceaux et que (attention tour de magie), ça sonne comme un vrai groupe. Avec un surplus d’agressivité retrouvée et plusieurs titres qui n'hésitent plus à défier les trois et quatre minutes. Un exploit quand on connaît la légendaire promptitude du groupe. Candy Gun, Infection Defective, My Missing Link, Schemes of the Tails, autant de titres qui tiennent très bien la route et ne se contentent plus de trois jappements aiguës et d'un rythme frénétique pour tenir l'auditeur en haleine, avec des débuts, des fins, des rebondissements et des mélodies sous les explosions nucléaires. Saupoudré de titres plus brefs (histoire de garder le mythe vivant) et d'une pure sucrerie perverse pour finir (le surprenant Zero), Fetch est sans doute l'album le plus varié de Melt-Banana, le résumé de toute une carrière leur permettant de repartir de l'avant, le changement sans la surprise de la part d'un groupe qui n'a pas baissé les bras et continue d'avoir un niveau et un nouveau savoir-faire qui fait plaisir à entendre.
J'avoue que je n'attendais rien de ce nouveau Melt-Banana dont l'intérêt s'était dilué avec le temps et la répétition et écouté sur le mode blasé de service. Fetch est pourtant un très bon album de Melt-Banana et nul doute que si c'était la première fois que leur douce mélopée azimutée me parvenait aux oreilles, je sauterais de bonheur au plafond (en plus de fantasmer sur Yakuso).

SKX (12/12/2013)