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Lydia
Lunch
Retrovirus - CD
ugExplode 2013
L'interrogation
pourrait être de mise sur une telle entreprise. Lydia Lunch, ambassadrice
tout terrain de la no-wave, entourée de Algis Kizys à la
basse (Of
Cabbages and Kings, Swans, Ftus), Bob Bert à la batterie
(Sonic Youth il y a fort longtemps, Pussy Galore, Five
Dollar Priest, Chrome
Cranks, etc
) et Weasel Walter, surtout connu pour son furieux
jeu de batterie au sein de Flying Luttenbachers, à la guitare,
rejouent des morceaux du répertoire de la diva, toutes époques
confondues ou presque, lors d'une mini-tournée US à l'automne
2012. Le concert du 15 novembre à la Knitting Factory de New-York
a été sélectionné pour fièrement représenter
l'évènement.
Alors un tour de chant de Lydia Lunch interprétant ses plus grands
succès avec quelques vieux briscards qui avaient du temps à
tuer ? Une sale nostalgie et une bonne crise de vieillesse pour se remémorer
le bon vieux temps et remplir les caisses lors d'une tournée triomphale
à travers les Etats-Unis ? Difficile d'y croire tant ce projet
ne déchaînera jamais les foules et que les protagonistes
n'ont pas la tête de l'emploi pour radoter et s'attendrir sur le
passé. Par contre, je soupçonnerais volontiers Weasel Walter
d'être derrière cette idée. Un grand admirateur de
la no-wave dont il a toujours été un digne représentant,
consacrant toute une rubrique
sur le site de son label à ce mouvement, label qui sort ce CD de
quasi une heure de virus rétroactif. Il aurait voulu se faire plaisir,
en toute simplicité, que cela ne m'étonnerait pas. Et ce
plaisir, ma foi, il est partagé.
Certes, l'exercice de la reprise et de l'hommage ne donne jamais des disques
inoubliables dépassant le brillant des originaux. Cependant, Retrovirus
n'est pas une aimable curiosité. Tout d'abord du fait de la présence
de Lydia Lunch dans son propre rôle et que les trois mecs derrière
ne sont pas des pâles figurants à la petite semaine, de sombres
requins de studio. La no-wave, ils l'ont tous connus de près, ils
l'ont vécu, ils savent ce qu'ils jouent et ils la jouent très
bien. La voix de Lunch a beau avoir perdu de sa superbe, descendant dans
les graves autant que les paquets de cigarettes, son timbre garde suffisamment
de rugosité pour continuer à cracher son venin. Et ces nouvelles
versions gardent tout leur sel d'antan.
On peut même avancer que sur les morceaux Love Split With Blood
et Ran Away Dark du projet 8-Eyed Spy, morceaux qui n'avaient connus
que les joies d'un enregistrement live quelconque en 1981, la relecture
moderne surclasse largement les originaux, donnant de la consistance et
un son digne de ce nom. Pour la période Teenage Jesus and The Jerks,
(laissons tomber le très court instrumental anecdotique Red
Alert), I Woke Up Dreaming se distingue surtout par le changement
de tonalité de la voix de Lunch, constat récurrent à
tous les morceaux, ce qui n'empêche pas, 34 ans plus tard (!!!!),
de toujours prendre son pied sur ces échardes nihilistes. Idem
pour 3X3 et Afraid of Your Company. On touche pourtant à
quasi le meilleur album de Lydia Lunch, soit 13.13 réalisé
en 1982. Mais le travail de la section rythmique en béton de la
paire Kizys/Bert et la tirade électrique de Walter, booste étonnement,
magnifiquement bien ces deux morceaux, leur donnant une seconde jeunesse.
Constat identique avec Burning Skulls et Black Juju (reprise
à l'origine d'un titre de Alice Cooper), tirés d'un autre
excellent album de Lunch, Shotgun Wedding, en 1991, en collaboration
avec Rowland S. Howard, l'ancien Birthday Party. Walter n'a pas le touché
et la magie de Howard mais Lunch et son orchestre se réapproprient
sans sourciller ces deux classiques, en plus direct et brutal.
Hormis ces compos parmi les plus connues et hormis la (très courte
période) Beirut Slump et l'album là aussi excellent Honeymoon
in Red qui n'ont pas droit de citer, Retrovirus revisite quelques
raretés. Mechanical Flattery du premier album paru sous
le seul nom de Lunch (Queen of Siam en 1980). No Excuse
sur un single sorti en 1996 avec Lee Ranaldo. Meltdown Oratorio,
extrait du 12'' Stinkfist en 1988 avec Clint Ruin, alias Jim Thirlwell/Ftus.
The Gospel Singer, autre collaboration digne d'intérêt
avec un autre Sonic Youth, Kim Gordon, sous le nom de Harry Crews pour
l'album Naked in Garden Hills en 1990 et What Is It, déterré
d'une compilation de 1984, Better an Old Demon Than a New God,
avec d'autres morceaux, entre autres, de William S. Burroughs, Psychic
TV, Richard Hell et Arto Lindsay. Dans tous les cas, Retrovirus
montre qu'il n'est pas qu'un vulgaire projet de reprises. Elles ont beau
être relativement fidèles aux originaux, Lunch et son équipe
de choc (qui ne pouvait pas saloper le travail vu leurs états de
service) leur donnent de l'éclat, de la force, un second souffle,
un enregistrement sans faille pour des morceaux qui auraient pu être
écrits aujourd'hui sans ne rien y retrouver à redire. Finalement,
une belle idée.
SKX (03/06/2013)
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