jessica93
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teenagemenopause



























Jessica 93
Who Cares - LP
Et Mon Cul C'est Du Tofu ?, Music Fear Satan, Teenage Menopause 2013
Poison - 7''
Analog Profusion 2013

Sachet de crack, vue imprenable du RER sur un paysage paradisiaque de banlieue, l'univers de Jessica 93 ne respire pas la joie de vivre. Et quand bien même tout ne serait que froide réalité de la folie. Après un premier disque 4 titres, le one-man-band Jessica 93 continue de creuser le sillon d'une musique spleenesque, aux idées noires, sauf que, par un particularisme physique incompréhensible, plus Jessica 93 sombre, plus l'auditeur lévite.
Boite à rythmes uniquement, guitare brumeuse ou élégamment ciselante, basse centrale et chant flottant au-dessus de la grisaille, le charme de Jessica 93 résulte de cette alchimie mystérieuse entre lourdeur et légèreté, entre noire et lumière. Une capacité à rendre une compo aussi entraînante que plombante, de faire tourner en boucle des mélodies qui ne lassent jamais car pas loin d'être irrésistibles, d'accoucher de morceaux tour à tour limpides (les incontournables Away et Poison) ou abstrait (le mal nommé Sweet Dreams qui n'est que cauchemar décharné et longue descente de trip). On tremble sur les paroles pour la première fois en français de French To The bones (Avec détachement je regarde les trains / J'me sens si bien là que passer dessous m'dirai bien / C'est pas la honte franchement de s'entendre dire ça) tout en dansant sur les lignes de basse pharamineuses et les rythmes de Poison ou Junk Food. Les références aux années 80 nous assaillent de partout, notamment le Pornography de The Cure si on se réfère à l'interview de Jessica 93 dans le Noise n° 17 et son inénarrable dossier sur " La France a peur " (le détournement/parodie qu'en a fait MonCul est bien tordant) mais jamais un goût de vieux remonte dans la gorge. Un disque ancré dans son époque, mélangeant les influences, le personnel, un sens acéré de l'écriture, une infinie classe, des émotions contradictoires, un désespoir suintant et un trouble irradiant dans lequel il est bon de s'envelopper et se perdre.



Quasi en même temps, Jessica 93 a sorti un single à l'ancienne. Un titre phare de l'album, l'incontournable Poison en face A et un inédit en face B pour un 45 tours tournant en 33. Les traditions ont du bon.
Se remettre une nouvelle fois Poison n'est franchement pas rédhibitoire tant le caractère tubuesque de ce morceau donne envie de le passer en boucle, fait danser les filles jusqu'au bout de la nuit ou s'écoute à un volume indécent, seul, au fond de sa cave.
L'inédit est une reprise. Saint James Infirmary Blues, très vieux morceau de la musique populaire américaine dont tout le monde connaît l'air mais pas le nom. Il existe des dizaines de versions, de Louis Armstrong qui l'a rendu célèbre en 1928 jusqu'à deux brillants représentants de la Grande Musique Française, Eddy Mitchell et Joe Dassin. Autant dire que la version de Jessica 93, avec sa boite à rythmes, son électricité dissonante et son chant vaporeux à l'extrême opposée des voix des nombreux bluesmen qui ont chanté ce morceau (quoique dans son genre, on peut également considérer son chant comme du blues…), donne un sérieux coup de chiffon sur cette composition sans âge. Si on arrive à reconnaître la mélodie, Jessica 93 a une façon unique de s'accaparer le morceau à coup de guitare circulaire dont l'écho se cogne à une reverb d'outre tombe et une bonne grosse basse bourdonnante, le fondant sans difficulté dans son monde pour en faire un morceau à part entière de son répertoire.

SKX (09/09/2013)