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Chevignon/Torticoli
Split LP
Bigoût, Maquillage & Crustacés, Tandori, Piou Piou, Ernie Diskale 2013

Lyon à l'honneur. La ville des lumières par la face noire, celle éclairant un milieu underground toujours très actif. Chevignon et Torticoli n'ont pas grand chose à voir musicalement mais deux de leurs membres vigoureux (le chanteur de Chevignon et un des guitaristes de Torticoli) jouent ensemble dans un autre groupe, Cougar Discipline (tout un programme). Un début d'explication de ce regroupement d'intérêt général sans oublier que dans ce microcosme, tout le monde finit par se connaître, font les échangistes et copulent dans un grand élan commun et généreux, ce qui ne doit pas déplaire au chanteur de Chevignon. Mais ça, on en reparle plus tard.
Commençons par Torticoli. Ce groupe ne tord pas le cou au math-rock instrumental, genre plus bouché que le tunnel de Fourvière en plein mois d’août, il le dynamite. Torticoli libère les muscles, insuffle un vent de folie lorgnant vers une forme free du math-rock, tendance Ahleuchatistas, fonce dans le tas par de nombreux chemins détournés et piégeux mais fonce dans le tas quand même. Et c'est ce qui est hautement appréciable sur ces trois titres. Un manque flagrant de décence pour les esprits précieux et un amour inconsidéré pour les cascadeurs et les chasseurs du dimanche. Avec une touche rock'n'roll à la Moller-Plesset quand ils entament la goutte du grand-père, ce qui n'est, forcément, pas pour me déplaire, notamment sur le début de l'excellent Pelvis Restless et un Rachel' Sanctuary dont la fin est un feu d'artifice. Torticoli soulage la douleur et débloque les angoisses existentielles. Mais trois titres, c'est trop peu.

De chasse, il en est question également avec Chevignon quand le chanteur Raphael Defour déclare sans ambages que la chasse, c'est plus fort que l'amour. Et c'est ce qui interpelle en premier dans la musique de Chevignon, les paroles. Ça parle cru, cul, sexe et un brin d'amour, sans ordre de préférence, de chasse aux femelles, ça cause Vieille Panthère sur le titre du même nom, de tâches, de femmes (surtout celles des autres) qui sont bonnes, de partouzes, de barbecue sur les toits et de plein de sentiments contrariés et ambigus. Il fallait donc une musique capable d'accompagner ces vers dérangeants ou tordants (de rire), deux guitares et une batterie au diapason suivant ces effluves nauséabondes et truculentes. Quand les paroles s'emballent, la musique s'emballe. Quand les sentiments se font violents, la musique s'abat drument sur nos épaules. Quand le ton se fait ridiculeusement mielleux, le trio musical joue un sale slow de bouffon. Le chant suit le mouvement, parle, hurle, crooner de l'impossible, absurde, menaçant et fait tourner les masques. Une musique s'exprimant comme on écrit un livre. Narrative, mouvante, avec plein de rebondissements, de fausses pistes, réduite au silence complet en plein milieu de Créteil, blues décati ou trottant allègrement, limpide et complexe à la fois, exécutée avec aisance et en haute voltige.
Chevignon, ce n'est pas le genre de groupe que tu rencontres à chaque coin de rue, leurs concerts ne semblent pas de tout repos et avec Torticoli, ils forment une paire redoutable et complémentaire pour un disque totalement exquis.

SKX (16/11/2013)