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Carne
Ville Morgue – LP
Solar Flare, Trendkill, No Way Asso, Nooirax 2013

Carne, duo lyonnais, qui donne un très bel os à ronger en guise de premier album. Un gros morceau de barbaque plus noir que rouge, un groupe à la lourdeur asphyxiante, très sombre et carnassier. Forcément. Ville Morgue vous bouffe de l'intérieur, peu à peu, une force pénétrante entre hardcore nauséabond, sludge bestial et noise-rock vorace.
Des rythmes et des riffs vous écrasant implacablement, un chant hurlant toute son angoisse, une lente et inexorable roue qui vous broie sous une allure générale mid-tempo et férocement intense, ne s'épargnant pas quelques coups de butoirs mémorables comme sur Crown of Porns ou le dernier titre qui a donné son nom à l'album et se terminant dans un amas de grésillements brûlants. Une musique sans basse mais pourtant extrêmement chargée en gravité. Le tableau n'est pas gai mais Carne, sous une épaisse couche de noirceur et de gravats, trouve des ressources pour ne pas se répéter, illuminer son propos en diversifiant son approche, intercaler des morceaux interludes/drones entre de solides parpaings, ne pas en rajouter dans la violence gratuite mais écrire des vrais morceaux pour un album remarquablement agencé et pensé de bout en bout. Des six minutes de We Are Romanoes au souffle rock'n'roll à 1000 Beers et sa guitare montrant qu'elle est capable de finesse, Carne offre une palette de compositions qui n'est pas bas du front. Mais la cerise sur le gâteau, c'est Slave/Her avec Marion Leclercq, l'ex-Overmars invitée au chant, donnant envie de voir cette collaboration se prolonger tant sa voix et la folie qu'elle y met se mêle parfaitement à l'atmosphère poisseuse et la guitare sifflante de cet inquiétant et superbe morceau.
Ville Morgue n'est pas une imposante masse monolithique sans âme. Les failles et les accroches sont nombreuses, de la vie et une odeur de souffre à l'instar des locaux du Grrrnd Zero qui ornent la pochette. Un lieu de concerts, de répétitions et de création pour un tas de groupes dont Carne qui a écrit cet album dans cet endroit voué la destruction au profit de bâtiments flambants neufs, énième tentative d'une municipalité expulsant toute vie underground en dehors des centres-villes et des circuits subventionnés. Avec Ville Morgue, Carne rend un très bel hommage à Grrrnd Zero, du genre à dynamiter la tronche de plus d'un élu frileux et contenter l'amateur de musique de malades.

SKX (22/12/2013)