brame
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Brame
La Nuit, Les Charrues... - CD
Self-released 2013
La Nuit, Les Charrues... sont grises, comme tous les chats ? Derrière
ce titre bizarre qui donne matière à labourer se cache un
duo bordelais. Brame. Là encore un patronyme étrange à
écorner un cerf pour une musique tout aussi singulière.
Deux types assis, José et Serge, revisitant le blues à la
sauce bordelaise. Epaisse et tumultueuse. Avec une bonne pincée
expérimentale. Pour faire simple, Brame hurle son désespoir
avec une guitare et de la bidouille. Mais belle bidouille. Pour faire
compliqué, la guitare est baryton et le reste pourrait figurer
au catalogue de Leroy Merlin : boucleurs, granulateurs, cailloux, cajon
(?), appeaux, tamis, tôle, oscillateurs. Du bel outillage. Plus
un harmonica et un mégaphone. Et du field recordings, c'est à
dire un enregistrement en pleine nature ou dans la jungle d'une ville
bien que je sois incapable de vous dire quelles sonorités de dame
Nature sont intégrées dans la musique de Brame, petit cerf
gambadant dans la fraîche rosée matinale compris.
L'approche serait à comparer avec celle de One Lick Less. Un blues
charcuté, laminé, retravaillé en profondeur avec
des complaintes de guitare servant de fil conducteur où s'agglutine
et persécute une texture indéchiffrable, bouillonnante,
vibrante, tour à tour chaotique ou crépusculaire. Une musique
de la nature comme celle de L'Ocelle Mare, les deux mains dans la terre
glaise ou dans le cambouis, un blues de campagne, un blues organique,
rustique, brutal et sauvage avec un son de guitare vous traversant la
tronche, vivant et douloureux et des millions de petits insectes et rongeurs
s'attaquant aux cordes, trifouillant notre spleen. Serge hurle parfois
son angoisse dans un mégaphone ou des micros trafiqués,
rajoutant de la présence physique à des titres réellement
prenants sur toute la première partie de l'album.
Après, il faut avouer qu'une fois l'effet de surprise passé,
la recette toujours identique donne l'impression de jouer toujours le
même morceau. L'intensité autant que l'attention tendent
à diminuer. Les deux derniers titres sont sans doute de trop. Les
neuf minutes de The Levee d'après When The Levee Breaks
de Memphis Minnie, popularisé par Led Zeppelin ou Kristin Herch,
au choix, - l'album compte d'ailleurs une autre reprise méconnaissable,
6 Colf Feet des Gories - et les douze de Démolition
durant lesquelles Brame revisite son passé pas si lointain. C'était
lors de Tenaille, un disque beaucoup plus axé sur le drone,
le paysage sonore et hélas, l'ennui. Quoique. Même cette
fin en forme de lente agonie est déroutante et pour peu que vous
écoutiez Démolition à part, seul abandonné
du reste, il peut avoir un effet dévastateur sur votre journée.
Putain de blues.
Brame est taillé dans un nouveau bois, celui auquel il faut s'accrocher
et dont il faut entendre le cri déchirant au petit matin.
SKX (12/03/2013)
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