bateleuse

Bateleuse
Ruine & Ravins – CD
Katacorp 2013

Quand la chanteuse et le guitariste de Katawumpus prennent des vacances - que l'on espère temporaires - de leur groupe, cela donne Bateleuse. Oyé, oyé, braves gens. Mais Bateleuse n'est pas le genre de saltimbanques à égayer votre fête du village.
Musique intimiste et dépouillée, elle prend aux tripes avec la seule force d'une guitare ombrageuse et d'un chant hanté. Pas d'artifice, que du brutal et de l'indompté. Symptôme Carla Bozulich/Evangelista. Arpèges et humeur noire, équilibre précaire sur le fil de la mélancolie qu'une violence latente est toujours prête à magnifier, brusques montées de colère froide que le chant ne peut parfois retenir. Un chant qui hurle alors sans retenue, sans se soucier que ce soit agréable ou harmonieux pour vos petites oreilles. C'est offert frappé, expulsé du fond du bide et des bords de la folie, c'est dérangeant, faisant trembler la membrane du micro (l'impressionnant Joyeux Noël), flirtant avec une chanteuse d'opéra psychopathe (Le Jour & la Nuit) avant de retomber dans des murmures, des râles et ce qui ressemble à un chant propre à rassurer le commun des mortels.
Bateleuse, avec un minimum d'effets (à peine un harmonium sur le justement nommé Harmoniamonditalrazobak et deux ou trois autres bidouilles sur les six cordes) et un enregistrement près de l'os, réussit l'incroyable miracle de tenir en haleine pendant huit titres farouchement mélodiques dans un paysage aride. Des morceaux qui dérapent, une guitare qui s'enflamme, des passages où vous restez en lévitation au-dessus du vide vertigineux et tourmenté, des compos à chialer ou à serrer les poings, de la beauté en costume de sauvage, des titres qui vont compter (Hippie Froid, Epouvantail, Allo Alpha), le duo montre que le song-writing est un art qui ne l'a pas quitté depuis le splendide album de Katawumpus, même dans un registre casse-gueule où il monte au front à poil.
Comme pour Katawumpus, Bateleuse a opté pour la boite en alu, l'emballage en rond et un très bel insert avec des illustrations de Xavier Znapping et Horripeaux et les paroles sur du papier calque cousu avec du fil noir. Voilà donc un groupe qui donne tout et qui le fait avec amour, même à 111 exemplaires. Chiffre misérable que vous pouvez booster en téléchargeant librement ce disque sur leur site. Ruine & Ravins vous le rendra au centuple.

SKX (31/12/2013)