usssy

uSSSy
UD - CD
Self-released 2011

uSSSy est ce drôle d'oiseau ruSSe qui avait sorti coup sur coup deux albums grandioses, un self-titled en 2009 et Oko en 2010, dans l'anonymat le plus total. Crédible, rock et russe, trois termes difficiles à associer dans une même phrase pour les esprits fermés. Ils le seront encore plus à l'écoute de UD.
On sentait déjà poindre sur Oko que l'air respiré par uSSSy était différent. Il devient carrément étrange, voir fantasmagorique sur UD. Avec un musicien en moins, le désormais duo tournant autour de Artem Galkin et Pavel Eremeev tente de capter l'âme slave tout en regardant vers le sud et les musiques du monde arabe. L'oud entraperçu sur Oko se généralise, parfumant continuellement l'album de mélopées arabisantes, se fait transpercer par la frénésie d'une musique de l'Est, comme quand les Wedding Present se prenait pour The Ukrainians, baigne dans un bain de prog-rock, ondule sur un nuage electro-acoustique, se fait malmener par les secousses d'une batterie qui n'a pas oublié le noise-rock et ses coups de boutoirs tout en s'accouplant à des percussions pour une carte world music pervertie.
Et toujours cette rengaine, cette sonorité incessante tirant vers les aiguës, dont on ne sait plus si c'est l'oud, les guitares sonnant comme des synthés (mais aucuns synthés ne sont pourtant mentionnés, à peine la queue d'un piano), des cordes lissées, des cordes d'une guitare baryton qui sentent l'encens, des cordes jouant les charmeurs de serpents. C'est désarmant, parfois usant, parfois envoûtant.
uSSSy a considérablement évolué depuis le cyclone noise-rock de son premier album et joue maintenant la carte d'un onirisme oriental malmené par les résidus d'un rock bruyant et free. On est comme perdu et on l'est, plus d'une fois, surtout pendant les premières écoutes avant de se laisser emporter par ces vagues d'un autre monde mais sans jamais être tout à fait certains de vouloir revenir faire un autre tour sur leur bizarre kermesse chamanique et déglingué. L'ultime voyage se fait par les onze minutes de Sufi Ceremony, plongée centrale dans ce croisement d'expériences sonores se révélant aussi agaçant qu'attirant mais qu'il est vivement conseillé d'écouter, même pour les esprits fermés.
Et uSSSy ne compte pas s'arrêter là. Pour leur quatrième album, le duo annonce un album de reprises de chansons folkloriques russes, ukrainiennes mais venant également d'Egypte, d'Irak, du Cambodge, du Yemen ou de l'Afghanistan. A la sauce uSSSy, on n'a pas fini d'être surpris.

SKX (05/06/2012)