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Les Suce-Pendus
s/t - LP
Label Brique 2011

La pochette fait peur. Le nom du groupe fait également peur mais pas pour les mêmes raisons. Tout porte au reflux et à la démission. La cause de cette chronique tardive est pourtant tout autre. Ce groupe est mort et même quand il était vivant, il était fort discret, il se terrait et ce disque posthume a suivi une trajectoire identique, circulant sous le manteau, la proie et la tanière pour le dénicher.
Le split avec Judas Donneger avait eu le temps d'arriver avant. Et de nous prévenir. Les Suce-Pendus et leur jeu de mots foireux ne donnent pas envie de ricaner. Quatre titres. Quatre très longs titres, une demi-heure de boucherie froide, de boucherie chevaline méthodiquement désossée. Un grand hennissement d'agonie et de mort lente, badinant sur la cruauté du monde au rythme martial d'un Swans écrasant (pléonasme), d'échardes d'un Birthday Party glacial, de relents no-wave, plutôt no tout court d'ailleurs vu que la vague s'est fracassée depuis longtemps dans le néant et que cette musique symbolise à merveille le refus général, la négation comme moyen de tenir le coup.
Et surtout, Les Suce-Pendus sonnent comme du Suce-Pendus. Une flagellation des sens unique en son genre, entre le marteau de la souffrance et la faucille qui fauche tout. Café Flesh, l'hommage au film porno plutôt qu'aux Jarnacais (bien que certains pensent que c'est la même chose), répétition malsaine, psalmodiant à en crever ce qui ressemble à Baise. Ou alors je ne suis q'un Obsédé Sexuel, deuxième titre chargé d'immortalité. Chant d'équarisseur, étranglant chaque mot composant sa grande poésie. Répétition toujours, galériens urbains, pagayeurs des fosses communes. Un sample de Piaf, oiseau de mauvais augure avant le déchaînement des passions montant lentement, inexorablement. Obsédé sexuel à la recherche de son écuelle. Obsédé sensuel à la recherche d'une femme cruelle. Obsédé des ruelles à la recherche d'une rondelle. Douze minutes d'orgasme sinistre et d'une guitare se dédoublant dans les larsens et les gencives. La rondelle, ici, on la tourne. Pour en finir… accélère la cadence (vers l'échafaud), les arpèges sont superbes et le morceau pourrait passer comme étant le plus mélodique si il n'y avait pas ce douloureux sifflement, cette longue et insupportable fréquence aigue faisant le lien avec Femmes Fontaines. Je lève donc mon cul, le bras du tourne-disque fait gagner du temps sur la surdité annoncée et une voix à l'envers et satanique vous accueille. Femmes fontaines, tes menstrues sanglantes sont une liqueur violente. Moi, je dis bravo. New-York en Picardie, Sonic Youth aux portes d'Amiens, la saleté du bruit blanc et toujours ce goût unique et glauque en bouche.
Ce qui ne me tue pas me rend plus fou. Ce qui me tue, c'est surtout d'avoir raté dans les grandes largeurs ce groupe de son vivant. Les Suce-Pendus ne pourraient-ils pas revenir se faire pendre une deuxième fois ? Un voeu pieux qui risque fort de résonner dans le désert. Reste ce disque culte.

SKX (19/11/2012)