joe4
whosbrain
geenger
fidelbastro


Joe 4
Njegov Sin - CD
Whosbrain/Geenger/Fidel Bastro 2012


Joe 4 sont trois, après avoir été effectivement quatre comme leur nom le suggère avant que le chanteur ne se barre, le poste échouant au guitariste. Un power trio noise-rock croate comme le premier EP Enola Gay l'avait révélé, dans la pure et grande tradition made in Chicago. C'est donc tout sauf une surprise de voir Steve Albini crédité à l'enregistrement et au mixage et son compère Bob Weston à la mastérisation. Mais si il fallait ne retenir qu'un seul crédit, ça serait très certainement cette phrase assassine :
Steve Albini played Scrabble on Facebook almost the entire time we were recording. We don't know if he remembers what our album sounds like.
Albini faisait-il la gueule parce qu'il a enfanté des groupes qui dépassent le maitre ou a-t-il juste rien à foutre d'une musique qui se mord la queue et qu'il a déjà jouée un bon paquet d'années ? La pochette avec le tableau détourné de Goya sur lequel Saturne dévore son fils prend alors tout son sens. Sauf que jouer au Scrabble est beaucoup plus sain. Et que tout ça n'a aucun rapport de toute façon. Repasse une maille à l'envers.
Ce qui veut donc dire également que, soit Albini a de très bons assistants faisant office de nègres (Big Black ?), soit il a tout automatisé depuis un logiciel secret, soit il a le don d'ubiquité et Joe 4 n'a rien vu. Parce que ce disque sonne du feu de Dieu. Ce qui est la moindre des choses pour ce style de musique qui se doit d'être cinglant, dur, sec, carré, où rien ne doit dépasser tout en conservant une chaleur rock'n'roll. Shellac est donc là, bien en point de mire, mais qui lui-même n'a rien inventé puisqu'il a tout piqué à Jesus Lizard (faudra que je vous retrouve un jour l'interview où Albini parlait de ça), un brin de Big'n, des poils de Tar et même une pincée de Neutrino dans les parties les plus calmes. Le tout saupoudré d'un chant légèrement saturé en croate pour mettre de la rugosité et de l'exotisme dans des tuyaux bien huilés et d'une très grosse dose de savoir-faire. Car, si vous oubliez l'appellation d'origine contrôlée, les dix morceaux de Njegov Sin ont de la cuisse, possèdent une ampleur et une violence lardée marquant son propre territoire, une finesse insoupçonnée, des morceaux comme Vatra, Kazalište Sudnica Zatvor, Njegov Sin ou encore Houlihan offrant son quota de bonheur, même aux plus blasés. Un album qui passe sans sourciller et arrivant à vous faire oublier un instant ses encombrantes références, c'est un tour de force que Joe 4 réussi. La place était minime mais ils l'ont trouvée.

SKX (04/12/2012)