fordamage
kythibong


Fordamage
Volta Desviada - CD
Kythibong 2012

Le loup rouge, après s'être frotté à un ours, s'en prend à des bisons dans un paysage inhospitalier et sous un ciel orageux. Si vous pensez que la persistance dans l'artwork augure d'une continuité musicale, vous avez raison. Après la référence belge à un tango, les Nantais de Fordamage passent les Pyrénées et se mette à l'espagnol. Les nombreuses tournées (dont une de plus, à l'heure même où ces lignes s'écrivent) avec Picore n'y sont sans doute pas étrangères.
Cependant, le langage de Fordamage n'a pas changé. Noise-rock pugnace et impétueux, plein de vie et de velléité d'en découdre mais toujours avec une grosse banane en forme de sourire contagieux. Sauf que c'est encore mieux que précédemment qui était lui-même meilleur que le début. C'est ce qu'on appelle une belle progression dans l'effort qui aurait fait la fierté de leurs professeurs. A l'écoute de compositions comme Sleeping on a flag et A man and a dog, la qualité atteinte est même ahurissante. A la première écoute, on est toujours pris à la gorge par l'agressivité du quatuor avant que toute la finesse se révèle, s'apercevoir que la tension peut prendre des visages bien différents, la véhémence se tapit dans l'ombre d'une montée d'adrénaline tout en contrôle sur ce splendide Sleeping on a flag qui n'explose jamais vraiment, la langue est pendante. Sur A man and a dog, plus sombre, retenu et magnifique, ce sont les chœurs à la fin du titre qui finissent par vous faire chavirer de bonheur.
Fordamage a trouvé le point d'équilibre parfait entre leur fougue légendaire, l'impression touffue d'un groupe qui a toujours voulu en dire et en faire beaucoup et la richesse d'un propos varié, bourré d'idées, de riffs lumineux, de rythmes trépidants et inventifs, des compos tout en muscle, en maîtrise, jamais une note de trop mais chacune d'elle vous bouscule tout au long des neufs titres sans aucunes faiblesses. Fordamage mais avec un maximum de plaisir et de confort. D'ailleurs, au passage, je n'ai jamais compris ces incessantes comparaisons à The Ex. Si il suffit d'être deux guitares dans un groupe et faire un peu plus de boucan que la moyenne en s'en donnant à cœur joie alors The Ex a influencé les trois-quarts des groupes de rock de cette foutue terre. C'était déjà le cas pour leur album précédent, Belgian Tango. C'est encore plus évident sur cet album. Il y a autant de The Ex dans Fordamage que de gouda dans le muscadet (quoique les deux ingurgités en même temps ne sont pas incompatibles).
Et puis, il y a ce chant - ces chants - sans lesquels Fordamage ne serait pas Fordamage. Ca serait comme demander à The Ex de jouer sans guitares, Angus Young sans son costume d'écolier, ZZ Top sans les barbes. Une hérésie Seul, à deux, à quatre, sur tous les tons et à toutes les sauces mais avec une préférence pour quand ça gueule et que c'est fort, le chant sur Fordamage est le pili-pili qui fait tout le piment de Fordamage et sur Volta Desviada, il est inconditionnellement remarquable de bout en bout, se marrie remarquablement à l'ardeur des morceaux, les emmène dans une dimension supérieure, sait se taire quand il faut et souvent. Et comme il n' y en a jamais assez, un invité rennais (Gilles Trotin, chanteur de Moller-Plesset) est venu en voisin rajouter une corde vocale à Triangle of Fire, dont le timbre inimitable s'inscrit merveilleusement bien à la gravité du morceau.
Fordamage n'est plus ce groupe de jeunes chiens fous, écrit désormais des compos béton et d'une nouvelle ampleur. Après le Recreation de Papier Tigre, Nantes a tiré une nouvelle fois le gros lot avec Fordamage.

SKX (14/05/2012)