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Father Murphy
Anyway, Your Children Will Deny It - LP
Aagoo 2012

Dans le langage des mortels, Father Murphy est considéré comme un groupe barré. Dans le langage musical, un groupe à part, un groupe qui ne ressemble à rien de connu, même si ça va pas nous empêcher de tenter de le raccrocher à des références de ce bas monde. Father Murphy est italien, est aussi curé qu'un conglomérat d'évêques est vertueux et s'adresse à de drôles de paroissiens. Un Father Murphy en forme de trio avec Reverend Freddie (chant, guitare), la prêtresse Chiara Lee (chant, keyboards, percussions) et l'enfant de chœur Vittorio De Marin (chant, batterie, cordes diverses) pour une cérémonie païenne qui a débuté en 2005 et dont Anyway, your children will deny it est le troisième acte. A vrai dire, le premier album, Six Musicians Getting Unknown, m'était déjà généreusement parvenu mais un excès de cartésianisme m'avait écarté du bon chemin. Les saintes paroles du Père Murphy étaient proches d'une folklerie gentillette qui ne m'avait guère fait entrevoir la divine lumière. Depuis, le temps de la 1ère communion est passé. Father Murphy a compris que Dieu n'était qu'un trou du cul géant sans issue, que le monde prospérait dans une merde allant à sa perte et son humeur est devenue excessivement lugubre.
Anyway, your children will deny it est un sacré chemin de croix. Greg Saunier, l'homme de Deerhoof est derrière le mixage, Father Murphy a dernièrement tourné avec Xiu Xiu aux Etats-Unis et il pourrait être tentant de comparer l'approche musicale de Father Murphy avec celle de la bande de James Stewart. Mais ce serait un Xiu Xiu pour homme, un Xiu Xiu qui va à l'échafaud, qui ne donne pas, mais alors pas du tout envie de danser, un Xiu Xiu qui ne serait pas rococo-baroque, maniéré mais gothique, sentencieux, versant vers les Virgin Prunes, l'univers décharné d'une Carla Bozulich et son Evanlegista ou un Dead Can Dance dans une messe primitive.
Ca suinte le désespoir et l'envie de se pendre là-dedans, tout pour donner envie de fuir ce disque et pourtant, le tour de force de Father Murphy est de peindre des atmosphères dramatiquement prenantes. Avec des percussions martiales, des synthés stressants, des cordes vivement frottées, un rythme général trépident sur It is funny, it is restful, both came quickly, le morceau le plus violent, à nouveau des nappes synthétiques sonnant comme des orgues, un bout d'accordéon, une ligne de basse traînante, des chants fantomatiques, plaintifs ou quasi lyriques, des chuchotements, une guitare aigrelette, des compos flirtant avec le silence et le brouillard, des cauchemars éveillés, une procession lente et douloureuse et entre tout ça, autour et dedans, de la beauté, de la tristesse, du bizarre, quelquechose qui vous interpelle sans savoir si c'est bon pour votre karma. Une chose est sûre, c'est que vous devriez écouter au moins une fois dans votre chienne de vie ce singulier disque qui risque fort de venir régulièrement hanter la platine quand l'humeur sera au noir.

SKX (13/06/2012)