evangelista
constellation


Evangelista
In Animal Tongue - LP
Constellation 2011

Il n'était pas prévu de chroniquer Evangelista comme il n'a jamais été prévu de chroniquer Timber Timbre ou Chelsea Wolfe (et pourtant) mais ce quatrième album de Evangelista est hors catégorie et m'obsède. Un disque bien plus difficile d'accès que des hordes de noiseux hirsutes armées de guitares massacreuses, bien moins rassurant et n'offrant aucun repères.
Carla Bozulich et son habituelle bande (Tara Barnes et Dominic Cramp plus quelques invités) n'ont jamais eu la réputation d'animer les fins de soirées mais In Animal Tongue, c'est mettre un pied dans la tombe, une sensation vertigineuse de malaise mais aussi, une beauté crue et maladive plus attirante qu'un puit sans fond. Une musique aride, à l'instrumentation aussi décharnée qu'un squelette trempé dans l'acide, pas tant dans le nombre utilisé - on peut compter jusqu'à six ou sept musiciens sur certains titres - mais par l'utilisation. Chaque instrument est joué avec retenue, dispensant un souffle inquiétant et sombre, souffrant dans un quasi silence. Quelques percussions et cloches erratiques, un piano chétif, la guitare (de Sam Mickens, The Dead Science) émettant par intermittence, douloureusement, une discrète pulsation de basse et autres instruments à cordes ou synthés semblant ramper, hagards comme des bêtes perdues. Une marche funèbre guidée par la voix de Bozulich, comme si elle était là, dans la pièce, près de votre l'oreille, à susurrer ou crier ses fantômes et ses angoisses, instrument central et tristement farouche, naviguant sur un équilibre précaire entre sursaut de combattante et voix condamnée à une noirceur perpétuelle.
Excepté sur le titre d'ouverture, Artificial Lamb, composition la plus magnifiquement abordable et mélodique, les huit titres suivants sont une angoissante procession, sans aucun pathétisme et minauderie déplacée. C'est du brutal, magnétisme animal culminant dans Hatching, titre de clôture cauchemardesque d'un esprit ravagé qui ne cesse de faire penser à un titre des Pain Teens sur Beast of Dreams. In Animal Tongue, un disque de solitaire que vous éviterez de passer à votre fête d'anniversaire. Un disque qui se mérite, extrêmement troublant et qui peut se révéler déplaisant suivant l'inclinaison de la lune, car peu enclin à être broyé par cette masse noire, mais sa puissance évocatrice et sa ténébreuse force sont peu communes et en font un des albums les plus marquants de l'année 2011.

SKX (22/02/2012)