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Electric Electric
Discipline - CD
Africantape, Kythibong, Herzfeld, Murailles Music 2012

Discipline. Il faut de la discipline. Sinon, c'est le bordel. Deux pochettes différentes. Les plantes tropicales à l'envers pour le vinyle et une version beaucoup plus glaciale pour le CD, ce visuel polaire étant présent également à l'intérieur de la pochette gatefold du vinyle. Une métaphore intéressante pour parler de la dualité de la musique de Electric Electric, soufflant aussi bien le chaud que le froid, s'adressant autant au corps qu'à l'esprit. Car si il est indéniable que Discipline fait danser, avec la transe et le décrochage des ligaments rotuliens en but ultime, que les rythmes sont le socle du trio strasbourgeois, au même titre que Skull Defekts, ce n'est pas qu'une vulgaire boite à danser. Les clubbers vont pouvoir se rhabiller, le rythme d'Electric Electric est trop sauvage, la danse, version alsacienne, tenant avant tout du pure défouloir physique sans souci d'esthétisme chorégraphique.
Et surtout, Electric Electric a bien plus à offrir qu'une double prise de courant branchée sur du 2000 volts. Sous la fournaise de la polyrythmie, le trio place des couches de synthés apportant son lot de sonorités stressantes et de parasites perturbateurs d'épiderme caressé à rebrousse-poil. La guitare a laissé les gros riffs trop évidents pour s'imbriquer finement et dangereusement dans ce fatras de rythmes, tout comme les gimmicks énervants de Sad Cities Handclappers ont disparu. Les mélodies sont certes nombreuses mais ne cèdent jamais au racolage et révèlent en plusieurs points, une mélancolie et une froideur propice à éteindre l'incendie que des tombereaux de rythmes pourraient, à la longue, trop facilement allumer. Même les voix (faisant penser à Snowman), rares mais importantes, trafiquées et fantomatiques apportent une dose d'onirisme inquiétant.
Si les comparaisons avec Battles vont être inévitables, les Strasbourgeois évitent largement le kitsch synthétique, le rock progressif puant et le coulis exotique putassier. Et explose Battles au passage. Il faut aussi laisser tomber le terme branchouille de happy noise car si Discipline fait irrésistiblement bouger le corps, il ne rend pas joyeux pour autant. C'est de la transe sombre, physique, des chapelets de rythmes bigarrés, de l'afro-beat martyrisé, du binaire et du pulsatoire punitif, des superpositions de sons et de boucles qui font naître la tension, une musique immédiate qui vide autant la tête qu'elle la flatte. Discipline, un mariage heureux entre la rigueur et le bouillonnement, une mise en place au millimètre et la libération anarchique des sens, le post-punk carré et la danse vaudou. Discipline. Il faut Discipline. Sinon, c'est le bordel.

SKX (12/10/2012)