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Buck Gooter
Consider The Grackles - LP
Kreephaus 2012

Consider The Grackles est le quatorzième album de Buck Gooter. Comment ça, vous ne connaissez pas encore Buck Gooter ? Une discographie aussi abondante et vous n'avez jamais entendu parlé d'eux ?! C'est pourtant le groupe le plus connu de Harrisonburg. Comment ça, vous ne connaissez pas non plus cette charmante bourgade perdue dans l'état de Virginie ? Va falloir songer à abandonner la lecture de Tsugi, parce que d'une part, ça serait meilleur pour votre flore intestinale, et d'autre part, la vraie vie et la vraie musique, c'est là-bas que ça se passe.
Buck Gooter, un couple improbable entre un petit jeune nerveux et un vieux calme qui pourrait être son père (voir son grand-père). Un duo avec des noms parfaits : Terry Turtle (le vieux) à la guitare et au chant et Billy Brat (le jeune) pour les rythmes, les machines, le chant allumé et les galipettes. Un groupe qui fait des disques comme d'autres vont à la pêche ou des parties de fléchettes.
Le premier album What Da Hell ? est sorti en 2005, début d'une intense et incroyable carrière internationale qui les voit aligner quatorze albums en sept ans (dont trois en 2007 !), à des tirages monumentaux, tous en CD sauf un en cassette (un split avec Erode & Disaster) et un single en version disquette informatique en 2010 (ils n'ont l'eau chaude que depuis six mois). Il faudra attendre 2011 pour voir leur premier vinyle (le 7'' Devil Worship) et 2012 pour que l'album du jour connaisse les joies également du polychlorure grâce au label new-yorkais Kreephaus (la version CD existe aussi, ne vous inquiétez pas).
Je vous vois déjà frémir d'impatience devant la révélation musicale de ces dix dernières années mais vous auriez tort de vous moquer. Buck Gooter, ça rime avec bétonnière dans laquelle le duo verse une moitié haine et une moitié roue libre. La boite à rythme la plus pourrie de tout l'univers saturant à chaque beat, donnant ainsi un grain inimitable, un son de guitare qui va bien avec, trois accords maximum, le chant plus traînant de Terry Turtle ou le flow fielleux de Billy Brat le jeune, laissant sa frustration sortir en totale accord avec la Nature, libre et incontrôlée comme un torrent de boue sur une vie de merde. Tout ça leur vaut des comparaisons avec Big Black. Mais un Big Black des Appalaches, crotté, rudimentaire, ne s'embarrassant pas de techniques d'enregistrement modernes et à deux vitesses. Quand c'est Turtle qui chante, Buck Gooter à tendance à se relâcher, les compos sont incertaines, voir bâtardes mais non dénouées d'humour (une chanson sur les chats sur Cats are cool et une d'amour sur Straight To Hell). Quand c'est Billy Brat à l'action, l'atmosphère se tend. Le rythme est sans cesse lancinant, la répétition accentue la pression, la guitare irrite en boucle, Billy Brat balance des bruits vicelards et quelques perles revêches viennent semer le trouble : The Thin Gruel, In Tongues et son riff économiquement diabolique, She Sees Only Flowers et son étrange boucle métallique ou le morceau final Consider The Grackles. Il est clair que ce n'est pas le meilleur disque de tous les temps, le duo ayant la fâcheuse tendance à enregistrer tout ce qui lui passe par le ciboulot. Mais ce genre de duo, c'est pas tous les jours que vous en croisez et je n'arrive pas à me l'enlever de la tête.
Leur philosohpie tient dans les paroles suivantes tirées du morceau Figure It Out : We do what we do and we doubt what we doubt and don't spend a lot of time trying to figure out. Le nouvel album Witch Molecules est déjà enregistré et sort dans quelques mois sur X-Mist records.

SKX (06/10/2012)