aidswolf
lovepumpunited

Aids Wolf
Ma Vie Banale Avant-Garde - 2xLPs
Lovepump United 2011

Le quatrième album de Aids Wolf est une aberration, un défi lancé à Mère Nature. On le répète sans cesse. On l'a encore dit à l'occasion du split single avec Satanized. La vie et l'oeuvre (avec un petit "o") des canadiens de Aids Wolf sont faites pour le format court. Alors je ne sais pas si ils s'emmerdent dans la vie, si ils aiment relever des challenges de la mort ou si ils ont perdu un pari mais Ma vie banale avant-garde est un double-album. Oui, vous avez bien lu, un double. Quatre faces. Vingt-quatre titres. Soit une heure de Aids Wolf en pleine face. La corde pour se pendre n'est pas fournie (mais le poster, oui). Un album chargé comme une dette grecque. Et tout comme cette dernière, on n'en viendra jamais à bout.
C'est pourtant un type capable de s'enfiler toute la discographie de Flying Luttenbachers sans sourciller qui vous cause. Sauf que cet album est une punition que personne ne mérite. La maladie est dans les tuyaux. Pris par petits bouts, on a encore une chance de se sortir de ce traquenard. Se taper l'intégralité est un calvaire. Le désormais trio (un guitariste s'est cassé) continue de laminer les boites crâniennes avec leur mélange de Arab on Radar et Melt-Banana mais sans le fun et l'esprit lutin démoniaque. Et ça fait une sacrée différence. Leur référence ultime doit être le mouvement no-wave mais là encore, leurs héros de Teenage Jesus and the Jerks sonnent comme une aimable comptine pour gamins attardés comparé à cette hystérie collective. Cette crispation immense. Cette dissonance constante dont l'atonalité est le sacerdoce ultime. Bref, un putain de bordel à peine organisé. Et pour cause. Ces 24 morceaux sont une réinterprétation d'impros enregistrées à l'état brut et disséminées sur des cassettes de travail. Le résultat navigue donc entre morceaux plus construits et cacophonie insondable. Et encore, utiliser le terme construit est un gros mot. Le batteur Yannick Desranleau ne garde jamais un rythme droit. Alexander Moskos ponce les cordes de sa guitare jusqu'à en voir le sang et Chloe Lum passe sa voix aigue dans un champ electro-magnétique, parfaite dans l'imitation de la guitare, à moins que ce soit le contraire, jappe, borborygme, miaule ce qu'il lui passe par la tête, et c'est pas beau à entendre.
L'important, ce n'est pas la note jouée mais le magma sonore qui ressort de chaque coup de batterie, de chaque hurlement distordu. Ca ressemble parfois à une composition avec un semblant de début et une fin. Ca peut aussi ressembler à un chaos total. On peut prendre ça pour une expérience sonore et physique ultra-exigeante. On peut également subir cette assourdissante litanie de courts morceaux pour du bruit gratuit et de la masturbation qui rend sourd. Reste au final un album comportant quelques éclairs, non pas de génie, mais où la greffe du bruit hasardeux prend corps. De trop rares moments car, en gros, ça ressemble tout de même à du grand n'importe quoi.

SKX (19/01/2012)