ulanbator

acidcobra

Ulan Bator
Tohu-Bohu - CD
Acid Cobra 2010

Hormis pour évoquer de lointaines contrées et des envies de vacances à faire du cheval sans selle, j'avais rayé le terme Ulan Bator de mon vocabulaire. Cela a commencé exactement en 1997 avec leur album Végétale, le début de la fin de la flétrissure la plus complète dont l'album Nouvel Air en 2003 était le bouquet final, le point de non retour. Un noise-rock hérité des années This Heat/Deity Guns/Bästard glissant vers un post-rock de plus en plus livide pour se rétamer définitivement dans un format rock-chansons à faire vomir le petit déjeuner de Miossec. N'étant pas d'un naturel masochiste, j'avais fait une croix sur l'album Rodeo Massacre en 2005 et n'ayant toujours pas évolué dans la satisfaction de mes plaisirs, c'est avec l'abnégation de celui qui se doit d'écouter tout ce qu'on lui envoie généreusement que Tohu-Bohu est sorti des enceintes.
Le premier constat n'a pas été douloureux. Et les suivants non plus. A aucun moment, un morceau a été zappé, le disque éjecté avant la fin. Plutôt bon signe.
Mais vous dire ce que j'ai ressenti, une autre affaire. Au mieux, une certaine indifférence, ce qui n'est pas ce qu'il y a de pire comme on a coutume de dire, vu que le cas de Ulan Bator était loin, très loin d'être gagné d'avance. Au pire, c'est le chant en français dont Amaury Cambuzat, seul rescapé de la première mouture de Ulan Bator, s'est fait le chantre depuis Végétale. Un cliché bien franchouillard veut que le rock ne peut se marier qu'avec la langue de Shakespeare. Une belle connerie. Des groupes français (Glu ou AH Kraken pour ne citer que des récents) ont prouvé le contraire. Quand on choisit les bons mots et la façon de les dire/cracher, tout passe, n'importe quelle langue (même le mandarin, j'en suis certain, tout ça n'est qu'une histoire d'eth… d'ethnocentrisme). Mais des décennies d'hégémonie anglo-saxonnes nous font croire le contraire. Le problème du chant en français, c'est qu'on le comprend, contrairement à l'anglais qui peut dire toutes les conneries qu'il veut car personnellement, je ne l'ai jamais compris et ça m'arrange bien. Seule l'intensité de la voix me suffit. Leurs conneries de paroles, ils peuvent se les garder. Mais le français, n'est ce pas, on se le prend en pleine face. Et celui de Ulan Bator fait mal. Pas le plus catastrophique qu'il m'ait été donné d'entendre dans ma vie tumultueuse de mélomane mais le français de Cambuzat est bien trop ampoulé et poète maudit en solde pour qu'un vent réfractaire ne parcoure mon échine. Surtout quand il tente en plus de faire passer des messages sur le désordre du monde. Ou de son monde intérieur. Il faut donc espérer que les parties instrumentales soient plus nombreuse que les parties vocales ou que le grésillement des guitares couvre régulièrement les paroles, qu'on ne nous laisse pas sans voix devant cette fille qu'il a bien connu et qui voyait des démons partout, le jour, surtout la nuit, le mal, le bien, se cognait la tête, faisait le mal, croyait aux exorcismes, aux anges à nous, pauvres pêcheurs, que j'étais, que je serais toujours mon amour (au secours !), devant un chant moitié parlé, moitié chanté, susurré, comme affecté et manquant d'assurance. Devant un A T, à toi qui ne croit pas, tout comme moi, philosophiquement, scientifiquement, devant trop de lourdeur qui cache une musique qui a pourtant retrouvé des couleurs rock et de l'ampleur.
Ulan Bator est revenu a plus de simplicité et d'électricité bien que persiste cette froideur et ce détachement. On aurait aimé une folie plus présente comme sur les huit minutes de Tohu-Bohu, l'avant dernier morceau où le saxo de Terry Edwards apporte un brin de chaleur. Que le désordre qu'il clame dans le titre d'album ou dans les paroles soit aussi présent dans la musique.
Ulan Bator continue d'évoquer des paysages lointains et si les distances se sont un peu rétrécies, le grand voyage de la réconciliation n'est pas encore pour demain.

SKX (12/01/2011)