Talk Normal
Sugarland - CD
Rare Book Room 2009

Talk Normal est une discussion entre les New-Yorkaises Andrya Ambro et Sarah Register, une interaction unie comme les doigts de la main, un échange qui coule de source et pourtant la conversation n'a rien d'une partie de plaisir. On sent bien que ces filles n'ont pas fréquenté de grandes écoles de musique, fonctionnement en autodidacte, apprentissage sur le tas d'où un jeu, guitare ou batterie, iconoclaste, étrange, créatif. Rythmes percussifs, cordes frappées, tordues, crissées, placement des voix à contretemps, mur du son succédant à climat décharné, structures abruptes, roulements de tambours et tribalité de peaux blanches, Sugarland a tout de la musique d'autiste.
Comme Talk Normal a la tête à New-York, on va parler de no-wave. Mais le tour de force des deux filles, c'est de pousser la vague un peu plus loin. D'une situation sans issue, d'un courant musical qui était fait pour se fracasser dans le mur et qui s'est effectivement fracassé dans toute sa splendeur nihiliste, elles réussissent à en récupérer les lambeaux et créer des morceaux attirants, voir beaux ou derrière la froideur se cache un magnétisme brutal. Les chants se chevauchent, l'un parle pendant que l'autre s'envole. Le dialogue entre les toms de la batterie et la guitare jouée sur le chevalet est parfaitement complémentaire, dessinant des fils invisibles. La guitare ponce comme sur un bon vieux Sonic Youth, irrite comme un bon vieux Confusion is Sex, joue la carte du minimalisme et de la répétition pour construire une tension à vif (le magnifique River's Edge) pour mieux sortir des bouts de synthés sur le titre suivant, le neurasthénique In Every Dream Home a Heartache, qui n'explosera que sur la fin dans un mantra flippant. On ne plonge pas la tête la première dans Sugarland mais comme tout disque fascinant et difficilement compréhensible, on y retourne régulièrement pour percer le mystère et finir complètement subjugué. Mais toujours sûr de rien.
Deux ans que ce disque est sorti et Talk Normal repointe le bout de ces deux jolis museaux cet été. Un split single avec leur père, Thurston Moore, sur Fast Weapons records et un autre single, Lone General/Hurricane, sur M'Lady records, avec un artwork signé par leur mère, Kim Gordon, aussi bavante que la pochette.

SKX (18/08/2011)