L'objet de malheur est une musique insidieuse dont les méandres électriques crament lentement la mèche d'un noise-rock élégant. Tellement élégant que l'objet de A Place To Hide, leur premier album en 2009, était plus un post-punk/new-wave à la Interpol. C'est séduisant comme un bout de viande faisandée attire les mouches. En clair, ça ne tient pas la route longtemps.
On The Edge Of The Void nettoie les plaies, trouve sa meilleure position, sur le bord du ravin, remet une bonne couche de dissonances, une voix comme passé sous le joug d'un mégaphone, de la basse plus virile comme sur Shout, morceau d'ouverture vous laissant la bave aux lèvres. C'est directement les Deity Guns ou les Bästards qui viennent à l'esprit, cet esprit noise racé, emprunt d'une certaine froideur et retenue. A l'image d'un groupe beaucoup plus récent, les Lillois de Berline0.33, où les racines d'un rock dur et bruyant hérité de la scène noise-rock américaine se mélangent avec la frigidité des années 80. On pense également au noble bruit de Ulan Bator (Amaury Cambuzat avait enregistré le 1er album) quand ces derniers, à l'orée de leur carrière, maniaient avec dextérité les joutes soniques, les mélodies écorchées et un post-rock qui n'oubliait pas de rocker ou encore, plus improbable, les Hems, avec ce sale goût d'angoisse dans la bouche.
Stéphane Pigneul, l'homme orchestre dirigeant les autres membres fluctuants, a multiplié les participations à d'autres groupes (notamment avec Ulan Bator) mais il tient là son plus bel objet. Dix titres, autant de morceaux de bravoure. Une noise très fine, acerbe, acide, émouvante, multipliant les accroches, accouchant de titres entêtants comme Parasite et son piano piquant ou les cinq minutes de On the edge of the void, le titre le plus ouvertement marqué par les lyonnais de Deity Guns. Un disque qui a une foutue classe, se baladant allègrement dans ses influences et révélant un sacré talent de compositeur hors-pair. Très bel objet.

SKX (07/07/2011)