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Ed Wood Jr
Silence - CD
A Tant Rêver Du Roi/Swarm 2011

J'ai longtemps tourné autour de ce Silence parce qu'il ne laissait présager rien de bon. Un Silence que j'avais mal interprété. Un Silence remis maintes et maintes fois sur l'ouvrage mais auquel je restais sourd.
On ne peut pourtant reprocher à un groupe d'essayer d'évoluer, surtout quand c'est un duo et que les possibilités de s'éclater avec seulement une guitare et une batterie peuvent rapidement s'écraser dans une impasse. Mais quand les voies de l'évolution empruntent les touches d'un synthé, la propension naturelle de mon épiderme est le rejet. Rajouter à ce maudit instrument, des compositions à l'impact physique immédiat mais présentant un certain hermétisme ne vous captant pas dès les premières écoutes et le Silence a bien failli se prolonger.
A croire qu'actuellement, les synthés sont la solution à tout. Ça ne demande pas d'embaucher un nouveau camarade de jeu, un instrument de facilité nécessitant un minimum de connaissance et de maîtrise, pour que n'importe quel groupe vous emberlificote sa musique en deux temps, trois mouvements. De pauvres guirlandes dans les angles, une plante en plastique dans le fond et un fauteuil en skaï sur un tapis Ikea ne vous refont pas la décoration.
Alors quand j'ai entendu ces attaques de synthés sur Minitel, ces sonorités, dont on ne sait même plus si il faut les taxer de futuriste ou de retro, ont vite fait de me gaver. Sur le suivant, idem, Babtrip se transformait en bad trip. Et sur IVCV, ça devenait l'overdose.
Alors je ne sais pas trop quel miracle s'est produit mais à force, j'ai fini par entendre cet album comme un tout. Silence global plutôt que Silence du détail. Compris l'imbrication de chaque instrument dans les parties de l'autre, l'interaction, le dialogue, la finesse des guitares jouant avec la puissance des rythmes de la batterie tirant la musique vers le haut, donnant cuisse et ampleur, le chant, encore timide mais plus présent que sur Ruban de Möbius et réellement convaincant (voilà une voie sur laquelle persévérer) et des samples rajoutant une dimension onirique. Les synthés ont fini par se fondre dans le paysage et les structures qui, mine de rien, ne sont pas simples, révèlent peu à peu ses éclaircies et vous frappent par derrière.
On salue alors la subtile alchimie que le duo lillois a su mettre en place, signant un album racé, plus ambitieux que la moyenne du tout venant de la famille math-rock à deux, dépassant par la même occasion bien des frontières. C'est d'ailleurs toute la deuxième partie de l'album qui représente au mieux ce dosage d'équilibriste avec des titres mordants et agiles comme It In Ut, Oktobre ou Quincunx. Comme par hasard, des morceaux où le synthé se fait moins présent.
Car j'avoue tiquer encore, parfois, à l'écoute de certains sons de ce deuxième album, se dire que Ed Wood Jr a cédé à la mode, a perdu un peu de sa spontanéité, son sens du rock et sa brutalité mais paradoxalement, on ne perd pas au change.
En définitive, Silence est d'or.

SKX (03/11/2011)