Cette chronique est autant celle de Esthétique de la fin que de leur concert qui a eu lieu il ya deux jours à Rennes, le vendredi 15 avril au bar du Terminus, le bar où tu t'achèves. D'ailleurs quand on arrive, un jeune homme, qui a dû être fringuant dans une autre vie, prend la rue pour des pissotières géantes, face à la route, où il y a de la gène, il n'y a pas de plaisir et plus tard, le bitume du trottoir pour son matelas. Une affiche sur la porte du troquet affiche qu'on peut venir avec ces provisions, ya tout ce qui faut dedans pour réchauffer son bol de prolétaire. Une fois à l'intérieur, c'est affiches/pochettes d'anciennes gloires du rock'n'roll, le hall of fame de la loose, avec une préférence semble-t-il de la patronne pour David Bowie. On apprendra plus tard que c'est le bar préféré des cheminots dont la gare est toute proche.
Bref, le lieu est tout à fait approprié pour un concert de soiffards. Et Api Uiz ne nous a pas déçu. Tous les commentaires étaient unanimes. Putain, c'est le meilleur concert que j'ai vu depuis... euh... oh oui, au moins ça. Il y avait juste un problème : c'était beaucoup trop court. Je ne sais pas si c'est la faute du groupe d'avant, les Toulousains d'X-Or qui m'ont semblé jouer trois heures (mais c'est toujours ça avec les groupes pourris, ils ne savent jamais s'arrêter). Ou si c'est la chaleur qui régnait à l'intérieur, principalement due à la prestation diabolique de Api Uiz. Ou si Api Uiz était en manque de condition physique, le Bordelais ayant toujours eu une santé de flageolet. Ou tout simplement que le concert étant tellement enivrant qu'on a pas vu le temps passé (c'est toujours comme ça avec les bons groupes, ils s'arrêtent toujours trop tôt).
Mais le plus incroyable encore, c'est que le disque acheté juste après le concert comme un fan transi soit aussi bon que leur prestation scénique. C'était toujours le point faible de Api Uiz (ou Hapi Wizz, c'est selon leur humeur). Des concerts inoubliables et des disques en dedans. Tout a toujours été fait en dilettante chez Api Uiz. D'ailleurs, ces quatre titres ont été enregistrés en mai-juin 2008 par les deux frères Cesar et Momo Amarante de Radikal Satan mais le disque n'est sorti qu'en 2010. Api Uiz n'a pas la même notion du temps que le commun des mortels. Mais cette fois-ci, tout se recoupe. Les lignes qui suivent peuvent aussi bien s'apparenter au disque qu'au concert. Un rock instrumental de feu de dieu. Yann le guitariste laisse bien échapper quelques cris sur scène qui ne s'entendent pas sur disque, quand la tension devient trop forte ou le bonheur trop intense mais sinon, on retrouve ce même plaisir communicatif de jouer. Le son est digne de ce nom. Leur musique de moins en moins bancal, c'est même une notion totalement disparue, une énergie constante, un rock inclassable où le guitariste mène le bal, en rajoute une couche, relance la machine, fait monter encore la température de quelques degrés, sans effets, sans débauches, sans frime, juste conduit par un enthousiasme effréné qui semble l'habiter dans ce cas là, l'emmenant bien loin ailleurs et nous aussi par la même occasion. La section rythmique suit sans broncher, tout aussi parti. Rythmes trépidants, vivants, j'ai plus d'une fois pensé à tous ces groupes écossais, Badgewearer et Dog Faced Hermans en tête, violents, dansants, de plus en plus dansants même. Une fois que Api Uiz a chopé son auditeur, il ne le lâche plus. Ou si, seulement quand il l'aura bien essoré. Qu'il aura testé toutes les positions. Et contenté.
Api Uiz mériterait une aura bien plus grande si seulement ils sortaient plus souvent de leur trou, si seulement ils ne sortaient pas des disques tous les cinq ans en toute discrétion (le groupe existe depuis 1995). Api Uiz, une des toutes meilleurs choses cachées qui existent dans notre beau pays et même au delà alors si vous les voyez sur une affiche, courrez les voir, acheter leurs disques et en attendant, télécharger librement leurs disques (surtout le dernier) sur leur label Les Potagers Natures. Amen.

SKX (17/04/2011)