Silent Front
Dead Lake - LP+CD
We Heart / Rejuvenation/Art for Blind/Bigout/Triplejump 2010

Six ans après leurs débuts et une palanquée de petits formats (EP, split singles, split 10''), les Anglais de Silent Front s'attaquent à la longue durée. Comme si ils avaient toujours voulu retarder l'échéance avant le grand saut. Il est vrai que le format single allait à ravir à leurs courtes décharges. L'adrénaline est toujours meilleure quand elle ne dure pas longtemps. On en connaît un paquet de groupes négociant parfaitement les courtes distances et se heurtant à l'endurance d'un premier album où le souffle devient court. Comme les idées.
C'était pas loin le fond de ma pensée après les premières écoutes de Dead Lake. La rage était en berne. L'adrénaline pointait vers le bas. De nombreux coups de mou plombait ce disque. Marqué par une dynamique à deux vitesses. Etre capable d'évoquer au sein d'un même morceau (Knot), Dazzling Killmen et Slint, ce n'est pas donné à tout le monde. Alors à réécouter de plus près pour l'occasion toute leur panoplie de split singles, on ne peut pas dire que c'est une nouveauté pour Silent Front. Jamais été le genre de groupe bas du front à ne connaître qu'une mesure. L'espace d'un single, ça passe inaperçu. Répété sur tous les titres d'un album, ça coince. Silent Front a surtout semblé vouloir construire un album et non pas une succession de singles, de titres uppercuts qui peuvent lasser sur la durée. Jouer sur les contrastes, les ambiances, ralentir la cadence pour mieux marquer les accélérations. Des ficelles biens connues. Et dans ce registre, Silent Front en connaît un rayon. Les liaisons passent inaperçues, comme sur les deux premiers titres, Loss et Moving Hands, qui ont tout de la super compo de la balle mais qui ne s'enflamment pas. En fait, c'est surtout révélateur du sentiment que Silent Front joue avec le frein à main, que jamais ils ne se lâchent vraiment, contrairement à leurs prestations scéniques réputées par leur intensité (et que je n'ai jamais eu la chance de voir). Encore le cas pour More than grazes, franchement sur le terrain de la retenue ou le final de huit minutes, Across The River And Into The Trees, qui s'éteint tout seul de sa belle mort. Tout ça joue forcément sur le degré d'attention mais on fini par s'y attacher à cet album. A reconnaître la qualité des compos malgré une mauvaise mise en valeur et l'étroitesse du son. A apprécier les lignes d'un bassiste qui a beaucoup écouté Dazzling Killmen. A se laisser aller sur ces morceaux noise-rock pas si noise que ça et teinté d'emo, ce dernier qualitatif étant essentiellement causé par une voix manquant de coffre, donnant aux compositions de Silent Front un coté juvénile et mal fini, rappelant certains groupes de Subjugation records comme Bob Tilton ou plus près de nous, les défunts Charlottefield.
On était venu chercher la baston, on repart finalement avec beaucoup plus de finesse. C'est pas la baffe à laquelle on s'attendait - ou espérait vu qu'on prend souvent ces désirs pour des réalités - mais c'est un disque qu'on fini par franchement apprécier malgré toutes les réserves.

SKX (08/10/2010)