The Pitch
Transposition Zero - LP
Gaffer/Maquillage & Crustacés 2010

Voici une toute nouvelle sortie de chez Gaffer records, associé pour ce nouveau méfait avec Maquillage & Crustacés, par ailleurs organisateur émérite de concerts sur Lyon et bien connu des amateurs. The Pitch. Ce nom ne vous dira probablement rien (à moi non plus pour être vraiment honnête) bien que le groupe a tourné il y a un an et qu'il a peut être même joué pas trop loin de chez vous à cette occasion. Transposition Zero a justement été enregistré pendant l'un de ces concerts, et plus précisément le 9 novembre 2009 à Bruxelles. Dans le line-up du groupe ne figurent (presque) que des inconnus, je dis presque parce que l'on ne peut pas s'empêcher non plus de remarquer la présence de Morten J. Olsen c'est-à-dire une moitié des extraordinaires MoHa!. Dans The Pitch Morten joue du vibraphone et les trois autres membres du groupe sont : Boris Baltschun à l'orgue, Koen Nutters à la contrebasse et Mickael Thieke à la clarinette. Voilà une formation assez inhabituelle ou qui laisse tout du moins présager d'une orientation plutôt néo-classique de la musique de The Pitch. C'est presque ça. Enfin, pas tout à fait. Et puis non, pas du tout.
The Pitch joue de très longues plages, très calmes, où les notes sont tenues le plus longtemps possible (la contrebasse est systématiquement jouée à l'archet) et où les pauses et les silences ont toute leur importance. Non, je vous arrête tout de suite : Transposition Zero n'est absolument pas un disque de drone - au sens contemporain et chiant du terme - pas plus que The Pitch n'use de facilités électriques pour faire entendre le pouvoir hypnotique de sa musique. Sans savoir s'il s'agit là d'improvisations ou de compositions, l'auditeur, parfaitement décontracté, est balloté d'un instrument à l'autre, doucement, presque sereinement. Il n'est pas rare qu'une phrase musicale entamée par l'un des quatre musiciens soit continuée par un deuxième et il n'est pas impossible non plus qu'elle soit terminée par l'un des deux autres. Autrement dit les instruments ne se répondent pas, ils se complètent, se prolongent. Une démarche qui peut alors faire penser à certains travaux de Morton Feldman, notamment les œuvres orchestrales de l'américain (je pense en premier à Coptic Light). Attention : je n'ai en aucun cas affirmé que The Pitch fait du Feldman mais on trouve ici une lointaine parenté dans la manière de faire les choses et de les montrer. Et puis The Pitch me semble bien plus concerné par le pouvoir harmonique et narratif de sa musique - alors que Morton Feldman était avant tout un mathématicien et un théoricien de l'aléatoire - et c'est ce qui fait toute la différence. C'est aussi ce qui devrait plaire aux frileux des musiques expérimentales : celle de The Pitch est peut être étrange, céleste, mais elle est aussi des plus accessibles. Cela ne la rend que plus belle encore.

Haz (28/10/2010)