Polvo
In Prism - CD
Merge 2009

On ne va pas vous refaire un énième couplet sur la vague de reformations sévissant actuellement dans le rock. C'est un fait acquis et consommé. Comme un boulet qu'on est obligé de traîner. Polvo se rajoute donc à la liste, douze ans après son dernier soupir discographique, le mitigé album Shapes. Mais surtout douze ans après une brillante carrière dans l'ombre des Sonic Youth, Pavement ou Dinosaur Jr, malgré cinq, six albums redoutables et qui nous oblige à ressortir le poncif du succès d'estime, le groupe que tout le monde apprécie mais dont tout le monde s'en tape.
La reformation de Polvo ne va donc pas déchaîner les foules, ne va pas remplir les stades. Alors quitte à se reformer, autant faire les choses en grand et offrir quelque chose de consistant, un beau et bel album avec que de la nouvelle composition. Les vieux vont montrer aux petits jeunes qu'ils l'ont toujours bien dure et consistante. Sauf que Polvo l'a toujours eu de traviole et insaisissable, la composition. De quel bois sera fait 2009 ? Hé bien, doucement de travers. Ou raide et prévisible. Un mélange des deux qui fait que j'ai du me pincer et réécouter les disques précédents tellement je n'y croyais pas. Au blind-test, pas sur que j'aurais reconnu l'animal. Mais non, c'est bien le même groupe. On sait jamais. Avec l'âge, les neurones se cassent, la mémoire flanche, on se fait des souvenirs en plastique et Polvo, un groupe beau de loin mais loin d'être beau. Mais non, c'est bien le même groupe (je le redis une deuxième fois parce que j'arrive toujours pas à y croire). Ah, les années qui passent, c'est pas beau à voir et Polvo supporte mal. On croit que c'est tout pareil mais l'usure est là, flétrissement et flatulence, on y peut rien. Polvo était bien ce jeune poulain fougueux et aérien. La mémoire ne joue pas de vilains tours. Cor-Crane Secret ou Today's Active Lifestyles, des albums tout en élasticité, en mélodies immatérielles, une musique nerveuse et pleine de subtilité, de dissonances sans un pet de gras et des structures fluides sous leurs faux airs de petits génies occultes, possédant le don de vous faire décoller bien haut.
Avec In Prism, Polvo a fait illusion deux minutes et trente-six secondes, soit le temps imparti avant ce solo de guitare aussi impromptu qu'affreux sur le premier titre Right the relation. Un morceau acceptable mais cette intervention irréelle de la six cordes agit comme un avertissement. On va en baver. Ceci n'est que la tête de pont d'un disque voué à l'alourdissement des masses. Polvo est devenu un groupe commun. Dès D.C. Trails, c'est l'orgie (idem sur Beggars Bowl), surtout avec son final psychédélique où Polvo fait chialer les guitares. Guitare, autrefois point fort de l'attirail de Polvo, devenue point noir purulent. Où est passée leur légèreté, leur richesse, ces mélodies cachées finissant toujours pas se révéler ? Douze années se sont écoulées et Polvo continue d'amorcer, que dis-je, de dévaler la pente entrevue avec Shapes. Un groupe de heavy-rock sans inspiration, avec des mélodies pompières et emprunt de classic rock, ce terme qu'on voit fleurir de plus en plus et qui n'est qu'une connerie pour vous faire avaler du rock à papa. Un terme pour désigner un rock ancestral ou le solo de guitare règne en maître, un vieux truc qui pue de la gueule avec des codes sentant le chloroforme pour ceux qui pensent qu' Eric Clapton est le meilleur guitariste du monde. Et Eddie Vedder, un putain de chanteur.
Polvo enfile les titres laborieux, boursouflés, d'un psychédélisme pataud et de ce fameux putain de classic (pop) rock sans vie. Quand il tente de calmer jeu comme sur Dream residue/work ou de retrouver le sens des dissonances et de la désinvolture passées, c'est pour se fourvoyer dans l'insipide, déterrer un pauvre synthé sur le piteux The Pedlar et achever notre incrédulité avec un final épique de platitude et de guitares lasses, A link in the chain. Non, le lien est brisé.
Ne croyez pas le bilan 2009 de Noise qui les classe au deuxième rang. D'ailleurs, ne croyez aucun bilan. C'est de la daube. Comme cet album de Polvo.

SKX (31/01/2010)