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Mr.
Protector Vive la Charente libre. On croirait pas comme ça mais de ce bout de terre hostile à la modernité nous provient quelques groupes de rock'n'roll plus nombreux que la moyenne nationale, ceci étant déclaré avec une assurance sans faille, sur la foi d'une enquête statistique dont le sérieux ne pourrait être remis en cause. Ou alors c'est qu'ils font plus de bruit que les autres. Sans parler des odeurs. Les derniers nés ne datent pas d'hier. Un premier EP avait déjà vu le jour en 2006. Ils ont un nom de dessin animé japonais ou celui d'un catcheur reconverti dans le porno et sortent, quatre ans plus tard (le temps coule plus lentement en Charente), Pétrole, leur premier album, qui n'est pas une usine à gaz. Un produit du terroir mais qui mange à de nombreux râteliers. Et malgré ce que laisse présager cette expression populaire, il n'y a rien de péjoratif là-dedans. Comprenez que Mr. Protector se nourrit de nombreux courants musicaux, fait sa tambouille dans son coin et recrache un plat varié. A vrai dire, on s'y perd un peu des fois et plutôt que de réfléchir plus que de raison, on se laisse emporter dans les méandres d'une musique sinueuse et narrative comme sur les neuf minutes du très beau Jacques qui, si on se fie aux paroles, ne sonnera plus jamais les matines. Mais Mr. Protector, c'est loin d'être seulement de la sensibilité à fleur de peau, c'est aussi beaucoup de bruit, de virulence, des racines noise-rock, hardcore. Brut et capable d'étonnante finesse. De bastonner sans baisser le regard et de surprendre son monde par des recherches instrumentales (contrebasse, piano), d'alterner chant en allemand, anglais et français, d'évoquer L'Enfance Rouge sur le morceau Pétrole, de jouer avec le terme emo sans faire couler le rimmel (la Dischord touch), multipliant les détails rythmiques, cloches, hand-clapping, brisures mélodiques pour mieux dégrossir leur charge en avant. Alors parfois, la réalité vous revient en pleine face. Les paroles en français apparaissent un peu jeunes. Le son de la guitare manque de grain et de personnalité, certains passages, de piment (le début de Diane ou sur Edwige - Mr. Protector aime beaucoup les prénoms - et l'instrumental 5-3 assez quelconque) mais au final, on ne peut que être fortement séduit par un groupe qui s'est donné le temps de travailler ces compositions, sans calculer pour autant, défauts compris, et rend la Charente plus humaine. SKX (30/08/2010) |