Les Yeux de la Tête
Nerf - CD
Rude Awakening/Head 2010

Les yeux dans la tête, bien enfoncés dans les orbites. Et les doigts dans la prise si on s'amuse à reprendre le visuel décalé de la pochette. Voilà le genre de chose que l'on ressent à l'écoute de ce trio de Caen. Et c'est plutôt une bonne surprise quand on fait l'erreur de lire au préalable la formation du groupe : batterie, basse et saxophone, pour trois musiciens sortis du conservatoire, ça sent l'acte masturbatoire, l'abscons pour le bon peuple. Au final, ça sent surtout le rock, on se surprend à bouger les cervicales dans un mouvement de haut en bas plus que de raison, à se laisser aller à tant de légèreté malgré une basse qui ne fait pas dans les sonorités de dentelle. On pourrait sortir la référence Zu pour l'occasion, pour nous, pauvres rockeurs en mal de repères dans ce monde suintant le jazz mais ça ne serait pas leur rendre justice. Les Yeux de la Tête vous les sort de façon plus subtile, le touché est plus coulé et l'enregistrement ne sent pas, mais alors pas du tout, la grosse production américaine. Ca n'empêche pas le trio de virevolter et d'asséner de bonnes taloches derrière la nuque, se faire succéder des soufflantes dans les bronches et des phrasés aériens. Le saxo, l'eau et le feu comme sur FyyFF ou ça tourne à l'hypnose avec une section rythmique par derrière pour fortifier les fondements. Lignes mélodiques, vives et lumineuses, autre clé de ce cuivre qui donne le la, basse qui cogne (sur le final de Belghavhal par exemple), l'abstraction, la répétition, quelques instants de gravité, dosage parfait. Neuf titres où Les Yeux de la Tête n'en fait jamais trop, titillant des passages improvisés sans jamais les mordre, pas de compos dépassant le quart d'heure et les bornes. C'est du condensé, ludique, percutant, swinguant, incisif, ça fait aimer le jazz à des punks parce que ce n'est pas vraiment du jazz. D'ailleurs, on s'en tape de savoir à quoi rattacher Nerf car l'important, c'est qu'il en a, du nerf et de la cuisse. Alors si vous aimez les brisures de rythmes qui coulent toutes seules, les musiques déviantes sans la prise de tête qui va avec, de la désinvolture avec des mecs qui savent où ils vont, sortez vous les oreilles de la tête.

SKX (11/10/2010)