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Harvey
Milk
self titled/The Bob Weston
Sessions - CD
Hydrahead records 2010
Harvey Milk
a eu la vie très dure. Dès le départ. Choisir au
début des années 90 comme nom de groupe celui d'un activiste
et homme politique ouvertement pédé et assassiné
en 1978 précisément pour cette raison pouvait ressembler
à l'ultime provocation de la part d'un groupe de gamins basé
dans le sud profond des Etats Unis d'Amérique (en Georgie). Disons
que cela n'a pas arrangé les choses, que le groupe n'a jamais eu
de succès, a splitté comme une merde oubliée de tous
et comme pour beaucoup d'entre nous, ma découverte d'Harvey Milk
s'est faite bien après, lors de la reformation du groupe dans la
deuxième moitié des années 2000.
L'histoire de ce qui est en fait le premier album d'Harvey Milk est à
la fois désolante et hallucinante. En 1993 ou 1994, le trio est
contacté par un gars prêt à leur payer un enregistrement.
Quelle aubaine. Ce qui sera fait à Chicago, chez Steve Albini,
avec Bob Weston comme ingénieur du son et d'ailleurs ce disque,
longtemps disponible dans des versions calamiteuses et dégueulasses
via des mp3 téléchargés sur le net, était
jusqu'ici connu sous le nom de Bob Weston Sessions. Si vous avez
de telles traces de fichiers audio dans votre ordinateur vous pouvez dorénavant
les mettre à la poubelle, cette version officielle est définitivement
la bonne. Mais revenons à notre histoire. Creston Spiers, Stephen
Tanner et Paul Trudeau (le batteur de l'époque) refilent le master
de l'enregistrement à leur " producteur " dont ils n'auront
plus jamais aucune nouvelle. Envolé. La version que l'on peut écouter
maintenant grâce à Hydra Head est tirée d'une copie
cassette que le groupe avait conservée.
Le miracle, puisqu'il faut bien parler de miracle, c'est que le son est
étonnamment bon sur cette version 2010 d'un album perdu/disparu/volé
en 1994. OK, ça bave, ça sature un peu à plusieurs
endroits mais - réellement - cet enregistrement est de haute qualité.
The Bob Weston Sessions n'est donc pas une arnaque. Si la qualité
du document est historique, la nature de la musique contenue ne l'est
pas moins. On peut entendre, tout le long de ce disque, des compositions
certes parfois un peu primitives mais recélant toutes les caractéristiques
du Harvey Milk contemporain : un heavy rock torturé, étiré,
malade. La comparaison avec les Melvins - comparaison dont Harvey Milk
aurait souffert alors qu'en même temps le groupe reconnait sans
aucune difficulté l'influence du groupe de King Buzzo - n'est pas
totalement fausse formellement mais elle est ridicule à bien d'autres
égards. Harvey Milk était un groupe dépressif alors
que les Melvins étaient (sont ?) un groupe de guignols dont le
plus grand des plaisirs (et le notre) était d'emmerder le monde.
Au-delà de la lenteur quasi insupportable des compositions phares
- My Father Life's Work, l'excellent Jim's Polish ou le
complètement atomisé F.S.T.P -, on notera également
quelques salves maladroites mais tout aussi lourdes, parfois dévastatrices
(Merlin Is Magic, Smile, le beaucoup moins réussi
Anthem). D'autres titres possèdent un groove incroyable
(Dating Pressure, Probölkoc). Globalement la qualité
est déjà là. Donc si Harvey Milk n'intéressait
qu'une poignée de fans hardcore à cette époque c'est
uniquement du à son intransigeance qui pouvait fort bien passer
pour de l'austérité. J'imagine aussi que tourner aux alentours
de 1995 en compagnie de Shellac n'avait pas du arranger les choses question
compréhension mutuelle entre un groupe fan de Kiss et de vieilleries
seventies et son éventuel public. Le mystère Harvey Milk
reste entier et le retour du groupe est un autre miracle - A Small
Turn of Human Kindness, troisième album post reformation, toujours
chez Hydra Head, verra très bientôt le jour. Un retour gagnant
(hum) qui démontre qu'Harvey Milk a été en son temps
et continue d'être un groupe mésestimé, sous-côté,
mal aimé. Plus pour longtemps ? On peut craindre que si. Harvey
Milk est juste passé du stade de groupe totalement inconnu à
celui à peine plus envié de groupe à succès
d'estime. Et franchement il mérite beaucoup plus.
Haz (07/03/2010)
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