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Ahleuchatistas
Of The Body Prone
- CD
Tzadik 2009
Faut
se magner. Ahleuchatistas est sur le point de sortir son sixième
album. Ils ont même eu le temps depuis de sortir un split 10'' sur
Gaffer mais parler de ce Of the body prone me tenait à cur.
Injustement boudé et largement sous-estimé, cet album révèle
ces secrets au fil des écoutes. Alors forcément, en ces
temps de surconsommation de musique mp3isée facilement jetable,
avec effet immédiat sous peine de suppression, un disque tel que
Of the body prone avait toutes les chances de passer à la
trappe.
C'est qu'il ne se laisse pas apprivoiser aisément. Circuit détourné
et mode d'emploi non fourni. De sa fulgurance passée sur quatre
albums
qui vous emberlificotaient les neurones en toute décontraction,
Ahleuchatistas a orienté la démarche vers quelquechose de
plus abstrait. D'un math-rock qui humiliait tellement tous les autres
groupes math-rock qu'il en devenait hors catégorie, Ahleuchatistas
accentue ces penchants jazzy, télescope la sphère free,
qu'elle soit jazz donc ou carrément noise, une sphère où
les formes sont moins définies, les formes aléatoires. Des
précédents disques les présentant comme des surdoués,
du complexe mais avec cette capacité à faire vriller la
tête, vous la secouer comme n'importe quel groupe rock sanguin,
le trio de Asheville en Caroline du Nord a sans doute pris conscience
qu'ils ne pouvaient pas aller plus loin, plus haut, plus vite, dans des
combinaisons de doigts à faire loucher.
Of The Body Prone, deuxième disque chez Tzadik après
la réédition de The
Same And The Other (+ cinq titres bonus), suinte les dérapages,
les ambiances où l'on respire tout en restant aux aguets, les tiraillements
de cordes, joue du silence. Les notes ne tombent plus par centaine à
la seconde. Chaque composition doit être écrite, répétée
et encore répétée mais une impression d'improvisation
domine parfois. Ahleuchatistas n'est plus au taquet mais prend le temps
d'installer le climat et il est plus d'une fois prenant. Les huit minutes
d'ouverture de 2/3 Consensus On The Un-Finite Possibilities et
les quelques notes de guitare qui font tout. Why Can't We Be In Jamaica?
avec son introduction à la batterie solo, tout en touché,
cette tension palpable s'installant avec une basse sépulcrale et
une guitare inquiétante avec trois fois rien d'accords. Une multitude
de détails qui font toute la richesse de cet album. Le propos n'est
plus dans la confrontation directe et la trépidation tout azimut,
ce qui n'empêche pas d'abruptes déflagrations, de la nervosité
patente et deux, trois morceaux dans la veine de jadis (Racing Towards
The Hard Kernel et Eastside Uptight). Leur moins bonne idée
est d'avoir mis les morceaux les plus rébarbatifs en fin d'album
avec le nouveau batteur Ryan Oslance qui se prend pour Zach "je tape
sur tout ce qui bouge et même sur ce qui ne bouge pas" Hill
(Hella), notamment sur Dancing With The Stars, le plus anecdotique
Making The Most Of The Apocalypse et les neuf minutes finales de
Map's Tattered Edges, un poil raide à avaler malgré
quelques bons plans. Mais ça ne serait gâcher le plaisir
général, de montrer tout le talent et la créativité
continue à la guitare de Shane Perlowin, de reconnaître leur
remise en cause réussie et qui ne va pas s'arrêter là.
Le bassiste Derek Poteat a lâché l'affaire, le futur s'écrit
en duo et on ne va pas tarder à savoir de quel bois il se chauffe.
SKX (28/10/2010)
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